samedi 26 mai 2012

Je ne sais pas 30

30

Les bruits d’un couloir, les rainures d’un plancher, l’attente d’une réponse, lui, couché derrière la porte attendant l’ombre des pieds, le son des talons, la vie, les serrures, ce n’est pas encore, bientôt, peut-être, ne pas partir, se dire que certainement ça va venir mais en douter, douter de la parole, comme s’ils avaient dit et qu’ils n’allaient pas tenir, les promesses, les promesses, dans l’enfance il a attendu déjà, déjà il demandait que l’on tienne les promesses, la parole donnée, démissionnaires, absents, l’appel des registres, les quatre pieds d’une chaise, une chaise dans la promesse de son utilité, s’il lui manque un pied elle ne tient plus sa promesse, on la jette, ce qui est dit est dit, comment peut-il en être autrement, alors il n’y a plus rien, si ce que l’on dit n’est pas dit, il n’y a plus rien, du vent, un courant d’air sous la porte, on ne peut plus rien attendre, il ne faut rien attendre, mais parfois il est impossible de faire mieux que d’attendre, les réponses, une correspondance, il attend une correspondance, la porte, non. Dans la poussière du jour éclairée par la lumière du soleil, on ne s’imagine pas qu’il y ait autant de choses qui volent, il faut s’arrêter pour les voir, sans ça on passe à côté. Etendu sur le sol son corps, il ne se relèvera plus, il est mort d’avoir attendu une réponse à sa correspondance, des gens le pleurent, c’est triste ils disent, il attendait et personne n’est venu, même pas un courrier, il est mort étendu dans la poussière que soulève le jour, recroquevillé comme cherchant la chaleur, il est beau dans la lumière du soleil, le corps nu couvert d’un sous-vêtement blanc, les jambes ramenées à la poitrine, sur les lames, le temps, longtemps, il a résisté combien de temps à attendre, enfermé dans le bruit des portes et des serrures, seul dans la beauté, l’immobilisme de l’urgence, submergé par le doute de faire partie, dans la désintégration, l’inconnu dans le coin de la pièce, le silence règne, dérangeant plus que la mort, le silence qui permet de prendre conscience du bruit, l’omniprésence, une suspension, de l’ordre de l’impalpable, l’air, ce qui entoure et se meut dans le déplacement, le frottement des fibres des vêtements, la respiration, et malgré tout l’extérieur, les grues, les voitures, les marteau-piqueurs, les cris, la colère dans l’attente d’un signe, sortir, une délivrance, appartenir, appartenir. Dans le relâchement de son visage, sa libération, le sourire de ne plus attendre, il est plus qu’il n’a jamais été, dans la considération de son histoire, dans la confiance qu’il a porté aux autres, l’espoir que quelqu’un pousse la porte, la confiance, il est la correspondance, la réponse à la lettre dans l’insouciance du jugement, celui qui a cru, combien de temps, quelle souffrance dans la générosité de l’absence, un homme enfant dans la dépendance à l’acquiescement, attendant la permission d’exister, un être oublié derrière une porte ouverte qu’il suffisait de pousser, dans la sécheresse poussiéreuse il reste sa trace sur le plancher, un fœtus adulte, un homme pas né aux yeux des autres, seul, un cri muet, la croyance ultime en la promesse de ce que nous sommes les uns pour les autres. Il aura fallu qu’il meure, ou, qu’il ne vive plus pour enfin exister. Dans ces solitudes ordinaires certains continuent à marcher pendant que d’autres se couchent sur des planchers.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire