mardi 22 mai 2012

Je ne sais pas 26

26

Dans l’agitement autour, au bord des fleuves qui traversent les villes, comme des ventres engloutissent, dans la vitesse du courant caressant les berges où attendent des bancs gravés des prénoms des enfants qui s’embrassent, grandir dans la mélancolie des flots, se laisser aller à la musique des profondeurs sombres, opaques, dans la lassitude du temps rythmée par les trains remplis de passagers en mouvement, à contre-courant, dans le délaissement des arbres qui s’effondrent, des branches qui baignent les bourgeons d’un printemps, dans l’attente il reste les saisons, des marquantes, nous perdons du terrain, je voudrais revenir là le dernier jour, le dernier jour. Donne de la voix, entendre, crie, vivre, dans la bousculade des émotions, dans les larmes, je verse sans m’en plaindre, je ne veux pas être aride, il me reste, il me reste de la jeunesse, du bois vert, aime dans ce temps qu’il te reste, dans le remugle des fonds vaseux, dans les roseaux des eaux tranquilles, sur les embarcadères des bateaux de plaisance, dans la traversée, une brasse coulée, dans ces corps jeunes, sur les bancs impudiques, quelques lettres et un cœur, à jamais, à jamais. Je veux me souvenir que tout est possible, de ce moment où nous ne savions pas en croyant qu’un jour nous saurions, jamais, je veux courir dans les flaques laissées par la pluie, chuter le genou écorché, ne pas avoir peur du rouge qui coule de mon corps, le sang d’une jeunesse, dans la décrue, vers l’embouchure, il n’est pas trop tard, jamais, je veux vivre, brûler encore, me réjouir des humeurs fluctuantes, des paradoxes, l’enfance de l’art, les colères, toute l’injustice de dire ce que je ne pense pas, demander pardon, pardon. Je me souviens de vous, de tout ça que nous n’étions pas, il y a des vies qui se jouent sans savoir, nous aurions pu mourir, nous sommes vivants, loin les uns des autres, sans comprendre, il reste le fleuve et ses virages, toute cette sauvagerie du trop plein, la fougue, les lieux-dits se rappellent à la mémoire liée au fleuve, les écluses comme autant d’étapes, les rives comme une escorte, le halage sur lequel nous regardions passer les bateaux, les péniches, un ancrage, une amarre. Je suis venu m’asseoir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire