mercredi 2 mai 2012

Je ne sais pas 2


2

Les pieds nus, un matin où je m’émerveille de la beauté du corps, tout ce qui tend, les liaisons, il s’articule, les charnières. La peau, peindre, la trace du pinceau humidifié sur une toile encore sèche et vierge, le grain de jute blanchi. Je ne fume pas et pourtant je vois dans l’image une cigarette se consumer, poser sur le bord et attendant la chair des lèvres pour s’embraser. Une femme, au milieu des images usagées d’un album photographique, un iris à la lumière des beautés inattendues, le hasard du cadre dans le vœu de voir. Je rêve de papier, l’effleurement des sens, le torchis mouillé de la sueur du peintre à se battre contre lui-même, ce moment de brisure, le doute de ce que nous représentons qui ne ressemble plus au projet initial, un barrage, une limite qui ouvre d’autres perspectives. Les mains pleines de peinture, une journée de couleurs, l’intensité du blanc sur le noir, les contrastes comme autant de visages différents. Emouvoir et se laisser émouvoir parce que nous sommes là, même si cela relève du hasard, le jugement, le début de toutes les acceptations nécessaires à s’insérer. Il y a des gestes, des mains qui tiennent des couteaux, des sourires comme des lames. La brisure, la richesse de chacun, ce moment de vérité, ce tremblement, l’approchement de nous au plus près, le porte à faux. Pieds nus sur le plancher de bois, j’attends, le temps nécessaire au déséquilibre qui fera naître le mouvement, assis d’un côté de la fenêtre dans la déformation de la vitre, apparaître, se mouvoir dans le silence des autres et entendre les charnières craquer, l’espace qui nous entoure, être dans le vieillissement les pieds nus sur le plancher. Les mots comme des notes, les uns derrière les autres, transparaître un sentiment, l’impalpable présent, celui qui n’existe pas dans le récit, l’instant, celui-là qu’il est déjà trop tard de raconter. Le silence nécessaire à l’envol, afin d’entendre le battement des ailes, l’envergure, le déploiement. La distance s’installe dans le silence des mots inutiles, il faut partir parfois pour mieux revenir, l’érosion des sentiments dans le bruit quotidien de l’envie de reconnaissance, toutes ces portes qui claquent, le courant de l’air. Quelques meubles déjà trop nombreux jonchent le plancher, un empêchement, ils crient dans ce volume trop petit, je voudrais des parois blanches, dans l’aboutissement me séparer de tout ce qui représente, la légèreté d’un homme qui partirait en courant dans les grisonnants du ciel. Pas une fuite, un départ inopiné pour la survie, parce que trop d’interférences dans le besoin d’anonymes. L’allègement de notre emprise sur le quotidien qui nous entoure, de l’image qui nous précède et influe les relations inhérentes aux liens que la récurrence crée, à l’insu d’une volonté, comme si de rien n’était, avec la charge de nos journées variantes et variables. Comment ne pas imprimer de notre humeur ce jour, comment ne pas le réduire, lui octroyer l’horizon qu’il mérite, comme si nous n’étions pas là, absents de nos délabrements.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire