Une trace de doigts sur la vitre propre tout autour, dans la main un couteau aiguisé, des fruits, des photos mais pas d'avion, il fait trop chaud pour la saison, c'est étrange, tu ne devais pas venir et pourtant j'entends le bruit de tes pas qui m'empêche de lire, je ne te vois pas malgré la transparence de la vitre tachée, longtemps qu'il n'y a plus eu ici la lumière d'un soleil, aveuglé, la beauté n'existe pas s'il n'y a pas la laideur, c'est étrange les rapports que nous entretenons, et ceux que nous n'entretenons pas, je n'ai pas entendu ta question et pourtant je réponds à quelque chose, égocentrique, une toupie, vacillante par manque d'élan dans une côte trop forte, tu comprends, il faut essayer quoiqu'il en soit il faut essayer, le résultat, quoi, le résultat.
lundi 31 décembre 2012
mercredi 26 décembre 2012
Traversé, dans le mélange, par le mélange de ce que nous sommes ensembles et ce que je suis seul, un dérangement, une absence, le vent, je ne suis pas venu pour te demander et encore moins pour pleurer, pour voir et entendre c'est pour ça que je suis venu, malgré les manques et les colères, malgré la vie et la guerre, malgré l'amour et la chaleur, j'attends l'été pour enfin trouver une bonne raison de m'en aller, dans la lumière aveuglante des jours où l'on s'embrasse insouciants de ce qui précède et des cris des enfants, je voulais partir mais je suis resté et c'est difficile de n'en vouloir à personne quand on a pas le courage de s'en vouloir à soi-même dans les caresses adoucissantes des jours avant de se jeter contre le mur rugueux des paradoxes, il y a la mort, il y a la mort.
vendredi 21 décembre 2012
La vie
La vie dans le fond des yeux d'un oiseau, la vie au bord, dans un gémissement, entre les cuisses, la vie, sur le toit d'une usine sans ouvrier, la vie que je crie face aux murs que je tente de détruire, la vie dans la main qui saigne de la douleur, la vie comme du sable dans la bouche, aiguise-moi pour que je tranche enfin dans la vie, crache le sang aux coins d'une rue, des culs précédés par le bruit des talons, la vie des femmes différentes apparemment de celle des hommes, la vie sépare, un échangeur assourdi des klaxons des voitures, je te mettrais bien un poing dans la gueule mais je n'en ai jamais trouvé le courage, la vie dans la peur des conséquences, immobile et mortel, la vie que je ne rêvais pas, la vie parce qu'il faut bien, des injures par les fenêtres, la vie des pigeons qui ne connaissent pas la migration, le claquement des corps qui tentent de la sentir, la vie, tu te racontes, tu te racontes pendant que les autres dorment, les travers, des voitures accidentées, des amours violentés, des figures défigurées de ce qu'elles ont à cacher, la vie comme une gifle les yeux ouverts, sur un quai de gare quand on promet de ne jamais revenir, la vie alors que l'on ne veut pas partir, un bassinet d'eau froide dans lequel le chien vient boire, de l'inox, la vie froide d'un glaçon dans de le liquide bouillant, tu claques des dents, la vie je ne peux rien faire de plus, la vie.
mercredi 19 décembre 2012
Cherche toujours...
La peur de lâcher confrontée à la volonté de trouver, un effacement, une continuité peut-être, les jours se suivent.
mardi 18 décembre 2012
mardi 11 décembre 2012
lundi 10 décembre 2012
mercredi 5 décembre 2012
mardi 4 décembre 2012
lundi 3 décembre 2012
La question
Qu'avais-tu à demander, je n'ai pas entendu ta question, un moment de distraction peut-être, une indisponibilité, je n'entends plus ta voix mais une succession de sons issue de ta bouche qui articule, un grondement, inaudible dans le vacarme du bruit sourd de la peur qui accompagne le quotidien, je ne peux pas perdre le peu qu'il me reste, je ne t'entends pas parce que je mets tant d'énergie à ne pas glisser, tant d'énergie dans ce coups par coups, comme si nous nous baisions au jour le jour sans se souvenir des corps mélangés sur la scène, sans voir le sang qui gicle, des bites et des chattes au grand jour dans la purulence des champs de bataille, je ne t'entends pas, pourquoi tu te tais, tu n'aimes pas ces mots que j'utilise, mais ils résonnent tellement que je n'entends pas ta question, dans le rouleau du bout il y a des images assourdissantes, des cris de poésie, des bouches ouvertes, des poissons qui n'ont plus le courage de remonter le courant, je n'entends plus, l'éloignement, la dérive de l'énergie nécessaire à continuer ce que je n'avais pas encore fini, prendre soin de moi pour enfin prendre soin de toi, ils marchent dans les rues brandissant des panneaux gravés de slogan, il n'y a plus de révoltes parce que trop d'usures, je n'entends pas ta question parce que je cherche à sauver ma peau, je ne cherche pas à comprendre, je ne veux pas comprendre, je ne veux plus comprendre ta douleur, la mienne est trop forte pour arriver à considérer la tienne, et puis surtout c'est la mienne, elle m'appartient, mon étendard, le moteur de la colère excusable grâce à toute cette souffrance, bafoué sans inscrire, plus de tentatives, des constats stériles pour construire ma forteresse, mon lopin que j'encercle, ma propriété, il ne nous restera bientôt que cette colère pour continuer sur une ligne d'horizon chaotique au milieu des bombardements, je n'entends pas ta question mais je te demande de ne pas m'en vouloir de voir l'autre comme mon ennemi, la fracture de la haine, la délation refait surface, dénoncer pour ne pas être dénoncé, juger pour ne pas être jugé, pleurer de ces yeux aveugles à toutes ces images, à l'urgence de toute cette chair éparpillée, les êtres sont devenus une écharde dans le doigt du monde infecté par le profit, la douleur se répand comme une traînée de poudre, l'opulence et la prétention, objectif, à court terme, la vie se meurt dans la sauvegarde économique des valeurs futiles, nous avons perdu de vue l'indispensable, le liant, l'humanité nécessaire, je suis coupable comme tant d'autres de ne pas entendre ta question.
Les distances s'élargissent et je ne veux rien retenir. Aujourd'hui même la vie est bien trop longue, à la vitesse où vont les choses nous nous lassons de tout, tout change sans cesse pour éloigner l'ennui, je ne veux rien retenir, accepter l'ennui afin de ne pas brouiller ma piste et ne plus empiéter sur celle des autres, tracer cette ligne d'un trait du temps qu'il reste et ne rien retenir. Vivre et voir vivre.
dimanche 2 décembre 2012
Les portes se sont ouvertes sur une part méconnue et intime, impensable, inconnue de lui-même, il se méconnaissait, il a cru devoir crier et accepte aujourd'hui l'idée de chuchoter, juste, quand il dit juste, c'est chuchoter juste et intimement en cherchant à se trouver, et, non plus à démontrer qu'il sait, la porte s'ouvre sur l'acceptation de l'irréalité pour les autres et pour lui-même de son réel et son affirmation. Voilà donc qu'enfin il ouvre la main pour caresser et accepte d'abandonner son corps au réconfort de la contemplation des failles et des crevasses que toute cette affirmation, presque cet endoctrinement de lui-même par lui-même, une maîtrise violente, de son réel protégeait de la part faible par peur des coups, car il a peur, il a toujours eu peur et aura toujours peur, plus des mêmes choses, mais d'autres viendront toujours le pousser à vouloir maîtriser et il devra s'en défendre. En ouvrant cette porte il a accepté que son chemin soit une succession de tentatives pour enfin ne pas être pour les autres, mais pour lui-même, pour enfin rencontrer les autres. C'est dans cette complexité qu'il va tenter de ne plus rien tenir, de ne plus maîtriser mais d'accepter la patience nécessaire au progrès. La porte, celle qu'il regardait depuis si longtemps comme une frontière, un impossible, s'est ouverte et il est entré ou plutôt sorti de la colère qui le poussait pour commencer à aimer.
samedi 1 décembre 2012
mardi 20 novembre 2012
Etre venu, là, repartir, tu n'y étais pas, ou peut-être nous y étions, dans l'haleine soufflée je n'ai pas reconnu ton odeur, des sangliers fumant sur le bord des routes, une voix qui chante, des filets pas assez solide pour retenir, là, une ombre, un souvenir voilé, le manque parce que j'attendais que tu sois là, peut-être tu y étais mais ailleurs, là c'est où, peut-être juste à côté, une pointe, sèche comme ma bouche parce que j'ai peur, une nuit d'hiver, froide, le givre, les branches nues fragilisées et la course dans la forêt, pieds nus et blessés par le silex taillant, nous nous sommes ratés, mais t'avais-je bien regardé, je n'ai pas senti ton odeur, je ne reviendrai plus parce que je n'aime pas l'effort, le temps me manque, pas de retard inexpliqué.
jeudi 15 novembre 2012
Debout
Dans un moment de contentement inhabituel, surpris par son corps et sa faculté de se mouvoir il souriait, étonné comme une enfant de ses premiers pas, lui, l'adulte, il s'était dressé au milieu des autres pour enfin crier son bonheur et sa joie de vivre, il devenait musique dans le bruit.
vendredi 9 novembre 2012
Dans un élan
Parce qu'il y a toujours cet élan, cette course qui le conduit à la folie, à se projeter contre un mur comme l'oiseau sur la vitre, dans une forme de désespoir face à l'inhumanité, son besoin de reconnaissance, il y a cet élan qu'il prend sans jamais décoller, des coups par coups qu'il confronte à sa certitude de savoir voler, sur le bord de la falaise les jambes dans le vide il a peur sans pouvoir le dire. Les mots parfois ne suffisent pas ou plus, dans la poétique des images s'engouffre la solitude de chacun, les aveugles ne veulent plus voir par peur du bruit, quant aux sourds effrayés par les images ils deviennent muets, nous perdons les sens, pour être certain d'être vivant nous nous projetons contre les murs dans la douleur des saignements sourds, mais il y a toujours ces êtres qui bouches ouvertes et des larmes plein les yeux s'élancent, s'élancent, s'élancent, s'élancent...
lundi 5 novembre 2012
Des Photos de l'exposition...
Des photographies de Olivier Calicis à voir là :
http://www.flickr.com/photos/thierryrobrechts/sets/72157631932940550/
A bientôt...
http://www.flickr.com/photos/thierryrobrechts/sets/72157631932940550/
A bientôt...
mardi 30 octobre 2012
Merci
Il y a aujourd'hui tant de personnes auxquelles je pense, on dirait que les échéances personnelles sont là pour nous rappeler l'imbrication de nos vies, tout construit, même ce qui sur le moment nous semble insurmontable. Je promène comme ça avec moi un nombre de personnes incroyables auxquelles je pense régulièrement mais qui lors de ces jours particuliers où la vie nous met en scène reviennent toutes ensemble à la fenêtre de ma mémoire. Il y a eu des échecs, des réussites, des départs, je suis inévitablement la somme de toutes ces rencontres, je pense à eux, au chemin parcouru, à ceux qui aujourd'hui seront là et à ceux qui n'y seront pas. La vie et ses traversements construisent les êtres que nous devenons bien souvent à notre insu. Merci.
jeudi 20 septembre 2012
vendredi 14 septembre 2012
mercredi 5 septembre 2012
mercredi 29 août 2012
Il
Là, comme s'il n 'y avait pas d'ailleurs. Un frottement, comme s'il n'y avait pas d'usures. Le tissu craque à la couture, tendu par le corps qu'il contient, les cuisses fatiguées de la marche quotidienne vers là et pas ailleurs, il ne peut pas y avoir un ailleurs, trop de peur. Dans la restriction quotidienne du périmètre des possibles, un cercle, des clôtures, un fil délimitant une pâture, là. La pierre est froide, on entend le cri des enfants dans l'apprentissage, l'autre dans l'humiliation de soi, l'autre une création de nous pour défendre celui-là, échouer, échoué, un homme est étendu dans les débris, là comme s'il n'y avait pas d'ailleurs, dans la poésie d'un jour qui se lève. Un jour.
jeudi 5 juillet 2012
lundi 2 juillet 2012
jeudi 28 juin 2012
jeudi 21 juin 2012
Là
Dans le mouvement des corps la fluidité d'un geste, la bouche d'un homme. Je me suis arrêté pour voir tout ça, la danse, la danse, les hommes parlent seul. Des petits poix blancs sur un fond noir. Un fond noir. Dans la clarté du jour un acouphène, pourquoi tu pleures. Un sourire. Des personnes se rassemblent, ils marchent maintenant, ils marchent.
mardi 19 juin 2012
lundi 18 juin 2012
La ligne
Une ligne sur le sol, une indication, j'arrache une page d'un livre, debout je lis à voix haute son contenu, il y a longtemps que je voulais le faire, les véhicules frôlent mon bassin me faisant vaciller mais je ne me dérobe pas, fixé sur l'intensité des mots que je crie, ils passent pendant que je reste, ils passent pendant que je reste, ils passent pendant que je reste. Inutile, je sais, pour vous peut-être, mais vital pour moi, alors je reste, alors je reste, alors je reste.
lundi 11 juin 2012
lundi 4 juin 2012
Je ne sais pas 41
41
Je ne sais pas 40
40
Une place, des bancs, s’asseoir, se poser,
regarder, une place, celle-là et pas une autre, une place, celle-là, ouvrir les
rideaux, le jour, un autre, pas le même et pourtant si proche encore, rester,
la force nécessaire, bien plus simple partir, loin, toujours plus loin, le
reflet dans la vitre, les vitres brisées dans le souffle des déflagrations, l’acouphène,
le sifflement, l’alarme, où êtes-vous, dans le cri vers l’extérieur que
personne n’entend, dans l’urgence, dans le ressassement des mêmes jours, dans
la succession inévitable vers la fin, dans la tristesse de ne pas savoir, y
être, chaque matin attendre, attendre l’action qui justifie la présence, à
l’extérieur, les questions inutiles, à l’intérieur, la peur, dans le
tremblement du temps, dans les passants à travers la fenêtre, dans ce que l’on
barre comme si cela n’existait pas, dans ces êtres que l’on oublie, je n’ai
jamais pu oublier, jamais, ils sont tous là, à côté, en face surtout, plus en
face. Oublier. La somme, l’addition des paroles comme autant de plaintes
inutiles dans le bruit du monde, s’arrêter pour dire enfin, se taire dans le
pas de recul avant la battue, plonger à corps perdus après la retenue
nécessaire, la pudeur du silence, le geste du corps, le corps enfin, le corps,
dans le morcellement, les étapes successives, l’inachèvement, une ligne.
dimanche 3 juin 2012
Je ne sais pas 39
39
Les hommes chantent dans l’incendie. Il ne faut pas
mentir aux enfants. Les chambres d’hôtels sont vides dans les villes
abandonnées. Les barmans sont ivres de la beauté des femmes dans l’irréalité
des promesses de lendemains. Le monde s’accroche à ce qu’il trouve pendant que
les poissons dorment le ventre à l’air. Nous sommes tellement nombreux.
Enfermés, enfermés, le préjudice de l’éducation, les limites de notre vision,
le champ, dans la balance des couleurs, dans la saturation, les hommes chantent
dans les incendies, dans le vent des révoltes, ils s’attisent, des brindilles
de bois sec. Les océans noirs de ce qui fait avancer les bateaux, les yeux
fermés dans l’engluement des vagues, il n’y a personne et pourtant nous sommes
si nombreux, nombreux, il y a eux, il y a nous, une frontière déjà, des lignes
tracées par des fils barbelés, la libre circulation. Il y a les femmes qui
sentent bons et qui nous rappellent comme elles sont belles dans la nudité
d’une feuille craquant sous les doigts malhabiles d’un enfant, il y a vous, il
y a toutes celles qui font que nous sommes aujourd’hui, aujourd’hui, demain,
nous ne savons plus, hier peut-être, irréel, dans la virtualité des mots
échangés. Les numéros des chambres d’hôtels ont disparu, les palaces flottent
dans l’odeur des parfums, la brume a l’odeur du souffre, les matins se lèvent
encore sans vraiment savoir pourquoi et nous les suivons de manière inlassable
et mécanique, mécanique dans le vrombissement des voitures, dans l’explosion
des moteurs. Tu souris, tu souris, de ce côté-ci de la vitre tu souris, dans
les paysages idylliques, la beauté de la neige à côté de la chaleur du poêle.
L’émerveillement de ne pas se connaître, se voir sans se connaître, derrière la
vitre, ne pas s’alourdir de la charge, profiter de la beauté, se dire que
l’amour existe, possible, dans l’engagement. La chair, son odeur, je veux
sentir l’odeur des chairs, des lambeaux d’êtres humains, les femmes dans la
nudité d’un corps, se blottir sans plus bouger, respirer, dans la chaleur des
plis, sans parler, sans parler, sans parler, sans parler. Dans le bercement de
la lumière, dans ces instants ancrés, les enfants se tiennent par la main, les
femmes les arborent comme des étendards dans toute l’injustice des limites
infligées, une nuque dégagée laissant transparaître toute la fragilité,
inconnue, inconnue. La ville est belle le matin, à l’aube je traverse la porte
vers la rue, dans l’invitation du lever, un banc, un pont, le pont, le pont,
nous sommes nombreux et pourtant seuls parfois, seuls parfois, dans
l’appartenance mais seul, la mémoire des autres, ceux-là, les blessures, le nid
des oiseaux. La sonnerie de téléphone, nous ne sommes pas là, pas envie, pas le
temps, le temps de regarder passer les bateaux sur le fleuve en dessous du
pont, les bateaux aux portes des écluses, nous ne nous sommes pas dits au
revoir, nous ne nous étions pas dits bonjour non plus, votre image sur le pont
reliant les deux berges disparue dans la rainure des lattes, flottant sur le
cours d’eau avant de couler dans la mémoire, la mémoire imparfaite magnifiant
ces instants réels, la fiction d’un partage sans l’échange des odeurs, le
fantasme, et si rien n’existait excepté ce que nous inventons, les liens se
délient, la grande échappée.
samedi 2 juin 2012
Je ne sais pas 37
37
Je ne sais pas 36
36
jeudi 31 mai 2012
Je ne sais pas 35
35
mercredi 30 mai 2012
Je ne sais pas 34
34
mardi 29 mai 2012
Je ne sais pas 33
33
Dans la nécessité, ne pouvant faire autrement,
dans la nécessité venir ou aller, absolument et pas autrement, si tu viens,
viens absolument ou ne viens pas, ne viens pas, rester seul c’est mieux, nous
nous décevrons de toutes les façons car nous attendrons, n’y allons pas,
restons là où nous en sommes sans croire que nous pourrions rencontrer
l’inconnu, s’enfermer afin d’éviter les déceptions, les infortunes, rien à
prendre, il n’y a rien à prendre, ne viens pas, il faudra se déchaîner, nous
n’aurons pas le temps et encore moins l’énergie de tomber les masques, ne viens
pas, il faudra se déshabiller et il fait froid, c’est l’hiver par ici, l’hiver,
l’hiver, dans la générosité nous ferions semblants d’avoir chauds, semblants,
dans l’insupportable mascarade, nous resterons dans les camisoles, cries, hurle
ta libération, seuls, ne nous chargeons pas des déguisements, nous punaisons
des dessins d’enfants sur les murs de l’isolement dans les prisons de velours,
dans l’onctuosité d’une porte fermée, seuls malgré la présence, ne viens pas,
le souvenir de ton odeur, l’odeur, la somme de ce qui se cache dans les plis,
la dissimulation, sentir pour voir, dans l’urgence de répondre à la priorité,
animal dans le sang chaud des canines, l’enfant cherchant le sein, la privation
nécessaire, l’arrachement, libérateur, seuls, seul, accroupi dans le
vomissement, ne viens pas.
lundi 28 mai 2012
Je ne sais pas 3
32
Attendre que quelque chose se passe, ne pas
partir, attendre, accepter la tâche, dans la colère de ne pas y arriver, en
vouloir même aux lumières des fenêtres, il faut que tout aille fort, vite, il
faut quelque chose dans cette attente insupportable, rien ne peut venir du
dehors, chanter la bouche ouverte, le dedans, le dedans, dans la nécessité,
l’urgence, prendre ce temps dans l’urgence, le temps nécessaire à l’éclosion,
ne rien galvauder dans la vulgarité, embellir dans la solitude, un trait rouge,
des visages illusoires dans le sourire des vitrines abandonnées, une image
arrêtée, entre ombre et lumière, le portrait proche et loin à la fois,
tellement loin, se perdre, se perdre et décevoir, se tenir là malgré,
incomplets.
dimanche 27 mai 2012
Je ne sais pas 31
31
samedi 26 mai 2012
Je ne sais pas 30
30
vendredi 25 mai 2012
Je ne sais pas 29
29
Le dos, dans la voûte, au bord de la falaise,
le dos, dans le cri des oiseaux, l’horizon dans la fixité du corps, le vacillement
dans l’opposition, le vent, la tôle rouillée, sourd d’une pulsation, incapable
d’entendre le grincement, l’érosion lente, les mâchoires de l’étau qui serrent,
le temps, l’écoulement des rigoles, le remplissage des bassines, les poignées
d’agrippement, se tenir, tenir dans l’opposition, autant de marques, des
stries, le départ, trop lourd, bien trop lourd. Les sentiers abruptes dans
l’ascension, étroits, dans l’articulation des chevilles les hommes marchent au
bord, dos à la terre, plus loin que la pointe, l’envergure, l’avancée, la
progression, à la recherche de l’enfant, le premier cri, nu de ce qui encombre,
les omoplates et la nuque, la nuque dans la coupure, les conversations abrégées
dans la précocité de l’essoufflement, la peau coincée dans la fermeture éclair,
la douleur, le mouvement des villes abandonnées, les pierres brisent les vitres
dans l’arrachement des enseignes, un homme de dos au bord, un balcon sans
garde-fous dans le déchaussement des pierres, le marbre, essouffler alors que
rien n’a commencé, froid, froid, sur le plongeoir dans le bleu délavé du fond,
les jambes ballantes, assis, là, dans l’intensité du dos, attendant l’impulsion
d’un mouvement, le ressac, la déflagration, un constat d’inertie, le verdict du
chemin parcouru, la chambre d’un hôtel résonnant, suranné, l’absence de la
présence passée, ils se balancent les hommes pendules, dans le décompte de ce
qui reste, l’inventaire des solitudes ordinaires, il n’y a plus mais il reste.
jeudi 24 mai 2012
Je ne sais pas 28
28
Une paire de ciseaux coupant la cellophane, des
gouttes de sang, une ville magnifique dans le petit matin silencieux et
brumeux, des œuvres d’art anonymes sans la lumière du jour, le bruit des
talons, un rythme, une silhouette, un pont, un homme traversant, la nostalgie
d’un endroit connu et quitté, un retour avec l’impression de ne pas être parti,
une nostalgie inutile dans l’aiguisement des sensations, un rejet, les eaux du
fleuve, des gouttes de larmes, un débordement intime, entre le sourire d’être
vivant et la volonté d’être mort, le courage manque dans la sobriété
rigoureuse, une ligne, un trait, des éraflures peut-être, un corps dans la
limite de l’enveloppe, une image, ils se résument à peu de choses le temps,
celui qui passe sans le mesurer, celui qui passe dans les paroles anodines, les
paroles, ce qu’il y a au fond des nuits, l’insomnie sensitive, un ressenti permanent, vibratile, attentif, les
passages cloutés des grands boulevards, la vitesse, les rires, au milieu des
autres malgré moi, une douleur nécessaire peut-être, une douleur dans la
négligence de ce que nous sommes, se dire jusqu’au bout, se dire loin du récit,
dans le rapprochement des peaux, dans l’odeur des aisselles, ce qui nous
dégoûte nous rapproche de nous, le vinaigre. Il y en a qui partent et d’autres
qui restent, dans la temporisation, il y en a qui veulent s’enfuir et d’autres
qui veulent revenir, un balancier, le va et vient, il y en a que l’on aime et
d’autres que l’on aime plus, pour toujours ou par caprices, il y a des paroles
en l’air et des frappes aériennes, des avions qui emmènent et qui débarquent,
il y a des petits bateaux, la coquille qui protège le fruit, les membres que
l’on brise dans la soudure métallique d’un chantier naval, les vagues sur la
coque, des croisières, le détestement du mot rêve, une moisissure sur la
réalité de la débauche comme autant de paroles inutiles sur l’inconnue des
jours qui suivent, les jours qui suivent, en être sans en faire partie, la
culpabilité qui en découle, coupable de ne pas comprendre les enjeux, nu, ni
mieux ni moins bien, nu dans la tentative de ne pas céder à la colère, se
retenir pendant que les portes et les volets claquent aux vents que les hommes
affrontent sans mesurer l’impact, l’enjeu, prêts à tout pour la condition d’un
seul au détriment de combien d’autres, les autres, le cercle, loin de l’intime
et son désordre. Un fil discontinu, une coulée dessinant un trait rouge sur un
visage, la beauté de la blessure, l’œil rougi de la douleur, les frontières se
dessinent dans la négation de la souffrance de l’individu, dans la torsion, la
vrille. Il y a des regards insoutenables. Les enjeux. Il y a de la violence qui
ne se marque pas sur les corps, des êtres abasourdis, dans la lobotomie
hiérarchique, des immeubles à étages, des tours extravagantes, extravagantes,
extravagantes et fixes au milieu des êtres qui marchent à leur pied dans le
vertige des sommets inaccessibles, dans l’étrangeté quotidienne d’un soleil qui
continue à nous éclairer, dans les parcs ombragés où les bacs à sable et les
plaines de jeux résonnent de cris de joie, il y a des hommes qui pleurent les
femmes qui bercent les enfants pour qu’ils s’endorment enfin, il y a ceux pour
qui tout va bien et c’est tant mieux, heureusement qu’ils sont là, ceux-là, au
milieu des oiseaux, loin des obstacles et dans l’émerveillement de ce qu’il y
a, rien de plus. Et il y a moi, quel est mon enjeu à vous regarder si fort,
peut-être trouver une réponse à ma dysfonction, plus égoïste encore, non,
coupable de prendre et dans la tentative de rendre tant bien que mal dans ma
réalité tronquée de la vôtre, insuffisant d’envergure peut-être pour
ambitionner autre chose qu’ajouter du temps à du temps, l’enjeu où se
trouve-t-il. Dans l’excuse du regard que je porte, l’écriture comme un filtre
d’amour au milieu des colères, la seule manière de vous dire absolument sans
que l’image implique quoi que ce soit, je ne suis personne excepté celui qui
tente de vous dire, un personnage pour certains, une personne pour d’autres,
est-il possible de faire la part des enjeux dans l’inconscience de qui nous
sommes réellement. La beauté n’apparaît qu’au milieu de la laideur, dans le
commun du quotidien, il suffit de la prendre, elle s’approprie sans difficultés
puisque ce que vous regardez reste inconscient de sa beauté, dès qu’il y a
conscience, elle disparaît dans le passé ou le futur mais elle n’est plus
présente, l’évanouissement, l’évaluation personnelle de la quantité d’espoir
qu’il me reste par l’émerveillement du temps qui se suspend, sa fréquence et
son absence de valeur, le voilà l’enjeu, l’émerveillement sans la valeur de ce
que je regarde, dans la fidélité du chien à son maître, je serai toujours
derrière la porte, toujours.
mercredi 23 mai 2012
Je ne sais pas 27
27
mardi 22 mai 2012
Je ne sais pas 26
26
Dans l’agitement autour, au bord des fleuves
qui traversent les villes, comme des ventres engloutissent, dans la vitesse du
courant caressant les berges où attendent des bancs gravés des prénoms des
enfants qui s’embrassent, grandir dans la mélancolie des flots, se laisser
aller à la musique des profondeurs sombres, opaques, dans la lassitude du temps
rythmée par les trains remplis de passagers en mouvement, à contre-courant,
dans le délaissement des arbres qui s’effondrent, des branches qui baignent les
bourgeons d’un printemps, dans l’attente il reste les saisons, des marquantes,
nous perdons du terrain, je voudrais revenir là le dernier jour, le dernier
jour. Donne de la voix, entendre, crie, vivre, dans la bousculade des émotions,
dans les larmes, je verse sans m’en plaindre, je ne veux pas être aride, il me
reste, il me reste de la jeunesse, du bois vert, aime dans ce temps qu’il te
reste, dans le remugle des fonds vaseux, dans les roseaux des eaux tranquilles,
sur les embarcadères des bateaux de plaisance, dans la traversée, une brasse
coulée, dans ces corps jeunes, sur les bancs impudiques, quelques lettres et un
cœur, à jamais, à jamais. Je veux me souvenir que tout est possible, de ce
moment où nous ne savions pas en croyant qu’un jour nous saurions, jamais, je
veux courir dans les flaques laissées par la pluie, chuter le genou écorché, ne
pas avoir peur du rouge qui coule de mon corps, le sang d’une jeunesse, dans la
décrue, vers l’embouchure, il n’est pas trop tard, jamais, je veux vivre,
brûler encore, me réjouir des humeurs fluctuantes, des paradoxes, l’enfance de
l’art, les colères, toute l’injustice de dire ce que je ne pense pas, demander
pardon, pardon. Je me souviens de vous, de tout ça que nous n’étions pas, il y
a des vies qui se jouent sans savoir, nous aurions pu mourir, nous sommes
vivants, loin les uns des autres, sans comprendre, il reste le fleuve et ses
virages, toute cette sauvagerie du trop plein, la fougue, les lieux-dits se
rappellent à la mémoire liée au fleuve, les écluses comme autant d’étapes, les
rives comme une escorte, le halage sur lequel nous regardions passer les
bateaux, les péniches, un ancrage, une amarre. Je suis venu m’asseoir.
lundi 21 mai 2012
Je ne sais pas 25
25
Des chemins, des lignes droites dans
l’entremêlement des carrefours, en être là, dans l’avalement, la déglutition,
dans la limite du sens des mots, au milieu des sentiments abstraits, ne plus
rien savoir, s’enfermer pour ne plus entendre et voir, l’érosion, l’usure d’un
homme à la porte des mélancolies, dans la volonté de s’asseoir et de continuer
à parler envers et contre lui, il regarde ses mains de chair, vulnérable,
emprunt de sentiments inextricables, dans le doute de ce que nous sommes les
uns pour les autres.
dimanche 20 mai 2012
Je ne sais pas 24
24
Deux murs qui se rejoignent forment un angle, une
arête. Des jours de larmes, la sécheresse d’un morceau de pain, abrasif, un
goût amer, l’agrume. Seul, des gens s’asseyent, seul dans le mouvement de ce
qui se déchaîne, dans le grondement du chien endormi, dans le brûlant des
gorges il y a la bile. Une pierre jetée dans la vitre, de l’intérieur, pour
s’enfuir des portes. Il n’y a plus rien, excepté ce que d’autres prennent, que
des yeux, des yeux. Les enfants dans la dégoulinance des eaux usées,
l’industrie des corps sans âmes, debout, dans la défiance des jours qui se
suivent, la projection contre les murs dans le démembrement des corps criant à
gorges déployées je suis un être humain, une pliure dans l’indicible craquement
de la matière, abasourdi comme la lumière ne trouvant plus le jour, ils
déambulent, un défilé de corps décharnés
dans les alarmes des volets métalliques peut-être. Les oiseaux sur les
branches, dans l’odeur des sentiers humides décomposant lentement les feuilles
mortes, la boue, dans la saturation, un débordement.
Je ne sais pas 23
23
Une explosion, un homme attaché, des piquets, la
voix se pose, il chante, il chante dans la fixité de l’emprisonnement à la
tâche et aux charges, l’explosive. Il en faut du temps. Ils s’écoulent sur les
plages aux ventres ronds des enfants de famine, les larmes des coupables,
l’injustice peut-être, les oiseaux continuent à affronter les éléments, le lot
quotidien, les mains se desserrent laissant la dérive dans l’inconnue des
océans, Ils vomissent des poissons de surface, des mers d’huile dans
l’abstraction des responsables, dans un chavirement au son de la musique des
plaintes, un tango, rouge flamboyant, le sourire d’une photographie dans l’urgence
du moment, une plage, le dénouement. Une femme regarde un homme en pensant à
l’enfant. L’orchestre joue dans le fond du bar, le souvenir enjolivé, la
mélancolie, prends-moi dans tes bras dans l’urgence des pas qui s’éloignent
déjà, nous pourrions mourir, un jour il faudra. Certaines femmes aiment qu’on
les regarde, et des hommes obtempèrent dans un accord tacite de ne toucher à
rien, une image, un roulement de tambour, la suspension, l’instant d’un regard
sans l’empreinte de la main, une trêve dans l’inacceptable vitesse quotidienne
des délaissements. Le chien se couche derrière la porte. Un sourire, un jour
comme de l’ouate dans du mercurochrome.
samedi 19 mai 2012
Je ne sais pas 22
22
Au petit du jour qui vient, suivant de celui
qui précède, des événements dans les fils d’attente, quel chamboulement, à quoi
doit-on s’attendre dans le possible de tout, le meilleur peut-être, c’est
aujourd’hui que des millions vont naître, remplaçant dans la joie ceux-là qui
attendent de partir, combien naissent pour un qui part ou inversement tout
dépend ce que l’on attend. La vie, d’accord ou pas d’accord, un matin comme
tant d’autres avant, le chien déjà présent, fidèle, une ombre presque, la
caresse comme machinale, jusque-là rien de bien extravagant à cette journée qui
se met en branle, au milieu des incendies, des feux de forêts d’hommes et de
femmes, un quotidien confortable en somme, confortable. La fidélité comme une
récurrence, non, comme la volonté consciente de ne pas s’attacher, se libérer
des mensonges, factice, contrefaçon, des mots, des mots pour dire le refus de
s’aliéner les uns aux autres dans des promesses vaines, si tu dis tu fais, déjà
quelque chose change. Il n’y a toujours pas de lumière, quelqu’un dort dans la
pièce adjacente et inaccessible, des êtres humains empilés sans se connaître,
dans des tours déchirantes, les maisons d’hier divisés en appartements
d’aujourd’hui, toujours plus petit, dans le craquement des flammes comme des
corps qui s’entrechoquent de tout ce qui les sépare dans une superficie
restreinte, derrière les murs des drames et des bonheurs, un jour comme un
autre, l’addition qui fait la somme, l’instinct quotidien que le temps s’écoule
au milieu des sentiments, des mots, le silence avant l’urbanité des
croisements. Peindre le dimanche.
vendredi 18 mai 2012
Je ne sais pas 21
21
La solitude nécessaire à voir, la solitude
comme la possibilité des autres alentours, la solitude afin d’accepter l’interférence,
la solitude pour mieux se retrouver, partir, courir comme l’enfant, léger de
vous, apprendre à nouveau sourd de tout ça, léger de la carcasse et des
encombrements, de ce qui jonche les routes comme autant d’obstacles pour se
rejoindre, le temps, le compte ou le décompte, ce qu’il nous reste, le reste
comme la monnaie de ce que nous avons eu. Le miroir reflète les portes qui
claquent. Le souvenir des fauteuils, de vous et de moi, nous entourant dans la
chaleur d’une pièce, dans l’absence comme une éviction volontaire, s’extraire
de ce qui entoure pour être au plus près de ce que nous pensons être, assis
dans du velours, les images défilent dans l’impalpable sérénité des émissions
de chansons, tout sourire, je ne sais pas, je ne peux pas. L’intimité offre
l’inconfort des variations, la surprise des absences, intimes, les excuses sans
explications, se permettre, non, l’incapacité, refuser les excuses, l’addition,
des calculs, incapable, la rigidité d’une camisole, impossible d’éviter les
coups, le butoir, les corps. L’impression d’avoir tout donné alors qu’il en
reste encore, pourquoi se satisfaire, plus loin toujours plus loin, la
difficulté de l’exigence, une douleur presque, l’humanité dans l’odeur des
marées abondantes. Nous nous appartenons à jamais, indélébile des
embrassements, des étreintes, même dans l’éloignement, dans l’absence il reste
les calculs, cette volonté d’être aimé, aimés. Ne pas s’habituer, refuser la
compassion d’un regard qui dit vous comprendre, noyé dans une piscine, un corps
flou sur le bleu du carrelage, dans le brou des feuilles macérées, l’hiver,
l’hiver devant le feu d’une cheminée sans savoir ce qui nous y rassemble,
l’intérieur amniotique comme une évidence, une évidence, aveugle dès la
naissance.
jeudi 17 mai 2012
Je ne sais pas 20
20
Est-il possible. Est-il possible de se tenir au
bord de la falaise le regard haut, le front volontaire, libéré de la charge de
ce qui précède à notre insu, souvent rongé par cette peur de savoir et de
s’être trompé, ce que nous savons au plus profond bien avant l’obstacle, les
remords de n’être pas ce que vous attendiez, vouloir tellement vous contenter,
tellement à s’en oublier, s’en oublier, ne sachant plus où regarder, ne sachant
plus entendre sa respiration même, se répéter comme pour se convaincre, sans
cesse, la folie douce que de remplir une fonction plutôt qu’une autre, se poser
des questions, des questions à la suite des autres, un mouvement perpétuel.
Comment faire pour avancer libre au milieu des contraintes, libérer les mains
pour enfin les embrasser, les glisser sur les visages, se laisser caresser sans
en attendre plus des autres, les caresses dans la bagarre quotidienne, la bagarre
pour émerger où d’autres submergent, l’ambition peut-être, inutile ou
irraisonnée, la déraison de croire en cela que nous sommes, une entité
singulière dans une masse globale. Etre au pied de cette falaise et regarder
l’éperon rocheux avec envie, comme si cette place était la nôtre, l’accession,
mais il faudra grimper, apprendre, il faudra du temps, du temps, toujours le
temps, est-ce le perdre que de vouloir accéder à ce que nous ressentons comme
dû, coupable d’avouer les ambitions, les ambitions, le travail intimement lié,
la chute, comme pas prêt encore, pas prêt, ou insuffisant, insuffisant, quel
mot. Un rappel, qualificatif du paradoxe entre le potentiel et le travail réel,
dépasser ce point de maîtrise pour enfin se mettre à transpirer, le porte-à-faux,
l’inconfort, la délicatesse, le risque certainement, la fainéantise, le visage
se tourne en écrivant ce mot, honteux de savoir qu’il est approprié peut-être,
un regret de n’avoir pas, dans la maladresse de ne savoir pas, trop tard
peut-être pour trouver la voie, tous ces doutes me tuent et détruisent le
travail accompli comme une mémoire défaillante ne se souvenant de rien, un
effacement. Un effacement malgré la conscience de ce souhait de vous rejoindre
la haut, sur le pic et de regarder loin, l’horizon, l’horizon et ne rien sentir
vous arrêter, exulter dans la fougue d’un homme en liberté, la liberté dans une
cour grillagée, très jeune déjà le long du cours d’eau je voulais m’échapper,
partir où vous ne me retrouveriez pas, vous faire souffrir de la même
souffrance ressentie de n’être que là où je me trouvais, je rêvais de tellement
plus que cette respectabilité de pacotille qui reconnaît le courage des hommes,
j’aurais voulu que vous ayez peur de moi, que vous craigniez mon départ, que
vous ayez peur de me perdre, alors que je ressentais que mon absence n’aurait
rien changé, me demandant sans cesse pourquoi rester, sans le retentissement
espéré, celui de la naissance peut-être. Intime présomption d’y être malgré
eux, une présence inopportune, le démenti de la vie pour la vie, comme si la
mort faisait partie de moi dès le premier jour, comme si le rêve n’était pas
moi, un ailleurs au milieu de ce que je représentais, un empêcheur, dans les
pieds, alors souvent je me suis vu sur cette colline revenir en vainqueur et
terrorisé cette région qui n’avait pas su reconnaître en moi l’avenir, c’est
terrible, ceci justifierait l’erreur de mon parcours, tout ce chemin pour en
revenir là, au point de départ mais pire, un constat d’impuissance, l’échec, je
voulais être chef et je ne suis même pas soldat, est-il possible de continuer.
Une entité, seul, inconscient de l’amour à l’entour, cruel pour ceux-là, le
voilà mon éperon rocheux, l’amour dont je prive ceux qui me l’offrent,
l’injustice quotidienne de la frustration d’un homme seul, tout ça comme un
aveu vulgaire, il ne manquerait plus que je me mette à pleurer. C’est le moment
de reprendre la route, il faut que je travaille car il me reste la dignité de
n’être que celui-là que je suis, dans la posture douloureuse d’un corps figé
dans la lave. Et au milieu de tout ça il y a la beauté du jour, le cri.
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