jeudi 31 mai 2012

Je ne sais pas 35

35

Un homme nu sur le bord d’une falaise, seul, affrontant le vent comme un oiseau, les pieds dans un mélange de terre et de sable, dans la chute du jour, la musique est forte, aussi forte que la volonté de voyage, dans la récurrence des vagues, les vagues, les enfants sont en vacances, le corps dans la rythmique, il danse, le sourire, la conscience du volume dans la résistance, dans les odeurs enrobantes, il danse, la peau se couvrant d’un voile de sel, l’amour, l’amour, l’amour dans le manque, dans la déstructure, dans l’envie de se voir, dans la vérité de ce qui nous dégoûte l’un de l’autre, l’un de l’autre, les bras ouverts prêts à accueillir, accueillir dans la naïveté des enfants, dans le présent loin des projections, la solitude nécessaire, nécessaire, les amants pour la vie peut-être, peut-être, ne rien certifier et rester sur le bord de la falaise dans la beauté des éléments. Une chaise sur le quai d’une gare, une chaise c’est fait pour s’asseoir et regarder passer les trains de marchandises, ceux qui ne s’arrêtent pas, une chaise avec un sac à côté, des tartines et un thermos, du café fort pour ne pas en rater un, ne pas fermer l’œil, le sourire des passagers qui font signe, faire un signe à celui-là qui attend, le train, le bon, celui qui l’emmènera ou qui le ramènera, toujours on revient, toujours le long des fleuves, on revient. Qu’importe ce que l’on pense, il reste ce qui est, là devant nous et que nous ne pouvons nier, l’évidence de la vie, telle qu’elle est, dans l’urgence des interventions, dans les sirènes, à nous de voir, d’entendre, de sentir, il n’y a pas de réponses, il faut regarder, regarder, le recul nécessaire pour voir le soin des larmes nécessaires, la conscience de la mort pour enfin voir la vie, au bord de la falaise, dans le vacillement, la flamme chancelante d’une vie, dans la nudité d’un corps malmené, loin de celui dont nous rêvions, dans ce qui nous sépare de l’image de la perfection, dans le départ de ce qui ne devait pas rester, les scories, ne rien tenir, laisser aller, ne pas s’interdire, se permettre de dire, être des enfants, vouloir le bien de l’autre dans la violence de notre vérité, prendre position, ne pas faire semblant que rien n’existe, considérer notre présence. Accepter la poésie quotidienne de ce qui nous est donné à voir dans l’engrangement des images belles de ne pas savoir qu’elles le sont, la beauté intime d’un moment que nous sommes seul à voir, les yeux ouverts, les yeux ouverts dans le vertige de la falaise quand une femme a le visage fermé de colère, la lumière, autre chose, la lumière dans les paroles inutiles, il n’y a rien à ajouter, rien, l’abstraction. Les miettes sur la table, la marque d’un passage, les miettes des regards, les miettes, se contenter, non, ne plus se contenter, avant les miettes quelque chose, un instant, le temps de se regarder, de se dire hors du contentement, de se voir avant le départ, peut-être tout à l’heure ou bien plus tard, avant nous voir, nous regarder dans l’entièreté, dans les plis, hors de l’ennui et avant le temps nécessaire à se retrouver, l’odeur, olfactif, sentir le corps dans l’intimité, cloaque, assoiffés de sels, le ventre tordant le corps, les larmes jaillissent le manque, la mort presque, à quoi ça tient la vie, l’espace d’expression de la matière, le chancre, les êtres se consument, il n’y a pas de paroles, des gémissements au mieux, dans les rigidités de la calcination, dans les cris de l’endormissement, le silence, l’effacement de l’un ou de l’autre, vivre dans l’évanouissement de ce que nous croyions être, il ne reste rien, le primaire, l’odorant, les animaux se lèchent, se lèchent. Les hommes nus aux bords des falaises dans la douceur des peaux réchauffées au soleil des jours d’abondance, dans le serrement des liens, dans la jouissance, combien jouissent encore, combien se lèchent encore dans l’odorante présence, dans le désir de ce qui dégoûte, aimer ce que nous sommes.

mercredi 30 mai 2012

Je ne sais pas 34

34

Emu jusqu’à la gorge, le serrement pour retenir, un homme passe, toujours le même, le même. Au-delà du visage il y a le visage percuté par la lumière, rendant les zones d’ombres, les orbites dans la sculpture de l’arcade, la naissance du nez, la bouche, la commissure, tout ce que l’on ne voit pas et qui crie, il y a des femmes, toujours différentes, le vent assèche la peau, des gerçures dans l’absence des bouches, quand il s’engouffre, le vertige. Il y a des tas de pierre, des bras plus longs que la normale, la charge, la brisure d’une réponse attendue, ne rien voir venir, venir, il y a ce que l’on regarde et les yeux qui le regardent, il y a des hommes que l’on reconnaît et qui font semblants de ne pas voir, mais on les aime quand même, c’est difficile de voir quand on ne veut pas voir, parfois il y a des surprises, une surprise suffit, l’homme repasse, lui aussi il attend, dans l’inquiétude comme si quelque chose se jouait, dans la course des enfants les pieds claquent. Une paire de ciseaux, la coupure signifiant la distance, nécessaire ou subie, une femme à nouveau, derrière les enfants il y a toujours une femme, les enfants regardent ce que les adultes ne voient plus, les adultes regardent ce que les enfants ne voient pas encore, encore, rien n’est certain dans la balance. Dans les barrières enfermées, certains font signes, c’est beau d’être un enfant.

mardi 29 mai 2012

Je ne sais pas 33

33

Dans la nécessité, ne pouvant faire autrement, dans la nécessité venir ou aller, absolument et pas autrement, si tu viens, viens absolument ou ne viens pas, ne viens pas, rester seul c’est mieux, nous nous décevrons de toutes les façons car nous attendrons, n’y allons pas, restons là où nous en sommes sans croire que nous pourrions rencontrer l’inconnu, s’enfermer afin d’éviter les déceptions, les infortunes, rien à prendre, il n’y a rien à prendre, ne viens pas, il faudra se déchaîner, nous n’aurons pas le temps et encore moins l’énergie de tomber les masques, ne viens pas, il faudra se déshabiller et il fait froid, c’est l’hiver par ici, l’hiver, l’hiver, dans la générosité nous ferions semblants d’avoir chauds, semblants, dans l’insupportable mascarade, nous resterons dans les camisoles, cries, hurle ta libération, seuls, ne nous chargeons pas des déguisements, nous punaisons des dessins d’enfants sur les murs de l’isolement dans les prisons de velours, dans l’onctuosité d’une porte fermée, seuls malgré la présence, ne viens pas, le souvenir de ton odeur, l’odeur, la somme de ce qui se cache dans les plis, la dissimulation, sentir pour voir, dans l’urgence de répondre à la priorité, animal dans le sang chaud des canines, l’enfant cherchant le sein, la privation nécessaire, l’arrachement, libérateur, seuls, seul, accroupi dans le vomissement, ne viens pas.

lundi 28 mai 2012

Je ne sais pas 3

32

Attendre que quelque chose se passe, ne pas partir, attendre, accepter la tâche, dans la colère de ne pas y arriver, en vouloir même aux lumières des fenêtres, il faut que tout aille fort, vite, il faut quelque chose dans cette attente insupportable, rien ne peut venir du dehors, chanter la bouche ouverte, le dedans, le dedans, dans la nécessité, l’urgence, prendre ce temps dans l’urgence, le temps nécessaire à l’éclosion, ne rien galvauder dans la vulgarité, embellir dans la solitude, un trait rouge, des visages illusoires dans le sourire des vitrines abandonnées, une image arrêtée, entre ombre et lumière, le portrait proche et loin à la fois, tellement loin, se perdre, se perdre et décevoir, se tenir là malgré, incomplets.

dimanche 27 mai 2012

Je ne sais pas 31

31

La solitude, la solitude suffisante et nécessaire dans la vibration des cordes, la voix, dans les mots, le son, les sonorités, l’inflexion, ne pas infléchir, une connotation impossible, la complainte, le refus, le refus de la complainte, ne pas geindre, la solitude, avancer, le silence extérieur, l’antre s’exprime, l’antre, une écharpe de laine imprégnée de son odeur, dans la crainte du noir ne pas allumer, dans l’affrontement des limites, surtout ne pas allumer, dans la respiration haletante, la peur dans la béance de ce qui nous attend, la béance, une bouche, malaxe, la chair et ses fibres, les êtres carnassiers, l’arrachement, des membres dispersés dans les cris de douleurs impossibles, vivre, vivre, vivre.

samedi 26 mai 2012

Je ne sais pas 30

30

Les bruits d’un couloir, les rainures d’un plancher, l’attente d’une réponse, lui, couché derrière la porte attendant l’ombre des pieds, le son des talons, la vie, les serrures, ce n’est pas encore, bientôt, peut-être, ne pas partir, se dire que certainement ça va venir mais en douter, douter de la parole, comme s’ils avaient dit et qu’ils n’allaient pas tenir, les promesses, les promesses, dans l’enfance il a attendu déjà, déjà il demandait que l’on tienne les promesses, la parole donnée, démissionnaires, absents, l’appel des registres, les quatre pieds d’une chaise, une chaise dans la promesse de son utilité, s’il lui manque un pied elle ne tient plus sa promesse, on la jette, ce qui est dit est dit, comment peut-il en être autrement, alors il n’y a plus rien, si ce que l’on dit n’est pas dit, il n’y a plus rien, du vent, un courant d’air sous la porte, on ne peut plus rien attendre, il ne faut rien attendre, mais parfois il est impossible de faire mieux que d’attendre, les réponses, une correspondance, il attend une correspondance, la porte, non. Dans la poussière du jour éclairée par la lumière du soleil, on ne s’imagine pas qu’il y ait autant de choses qui volent, il faut s’arrêter pour les voir, sans ça on passe à côté. Etendu sur le sol son corps, il ne se relèvera plus, il est mort d’avoir attendu une réponse à sa correspondance, des gens le pleurent, c’est triste ils disent, il attendait et personne n’est venu, même pas un courrier, il est mort étendu dans la poussière que soulève le jour, recroquevillé comme cherchant la chaleur, il est beau dans la lumière du soleil, le corps nu couvert d’un sous-vêtement blanc, les jambes ramenées à la poitrine, sur les lames, le temps, longtemps, il a résisté combien de temps à attendre, enfermé dans le bruit des portes et des serrures, seul dans la beauté, l’immobilisme de l’urgence, submergé par le doute de faire partie, dans la désintégration, l’inconnu dans le coin de la pièce, le silence règne, dérangeant plus que la mort, le silence qui permet de prendre conscience du bruit, l’omniprésence, une suspension, de l’ordre de l’impalpable, l’air, ce qui entoure et se meut dans le déplacement, le frottement des fibres des vêtements, la respiration, et malgré tout l’extérieur, les grues, les voitures, les marteau-piqueurs, les cris, la colère dans l’attente d’un signe, sortir, une délivrance, appartenir, appartenir. Dans le relâchement de son visage, sa libération, le sourire de ne plus attendre, il est plus qu’il n’a jamais été, dans la considération de son histoire, dans la confiance qu’il a porté aux autres, l’espoir que quelqu’un pousse la porte, la confiance, il est la correspondance, la réponse à la lettre dans l’insouciance du jugement, celui qui a cru, combien de temps, quelle souffrance dans la générosité de l’absence, un homme enfant dans la dépendance à l’acquiescement, attendant la permission d’exister, un être oublié derrière une porte ouverte qu’il suffisait de pousser, dans la sécheresse poussiéreuse il reste sa trace sur le plancher, un fœtus adulte, un homme pas né aux yeux des autres, seul, un cri muet, la croyance ultime en la promesse de ce que nous sommes les uns pour les autres. Il aura fallu qu’il meure, ou, qu’il ne vive plus pour enfin exister. Dans ces solitudes ordinaires certains continuent à marcher pendant que d’autres se couchent sur des planchers.

vendredi 25 mai 2012

Je ne sais pas 29

29

Le dos, dans la voûte, au bord de la falaise, le dos, dans le cri des oiseaux, l’horizon dans la fixité du corps, le vacillement dans l’opposition, le vent, la tôle rouillée, sourd d’une pulsation, incapable d’entendre le grincement, l’érosion lente, les mâchoires de l’étau qui serrent, le temps, l’écoulement des rigoles, le remplissage des bassines, les poignées d’agrippement, se tenir, tenir dans l’opposition, autant de marques, des stries, le départ, trop lourd, bien trop lourd. Les sentiers abruptes dans l’ascension, étroits, dans l’articulation des chevilles les hommes marchent au bord, dos à la terre, plus loin que la pointe, l’envergure, l’avancée, la progression, à la recherche de l’enfant, le premier cri, nu de ce qui encombre, les omoplates et la nuque, la nuque dans la coupure, les conversations abrégées dans la précocité de l’essoufflement, la peau coincée dans la fermeture éclair, la douleur, le mouvement des villes abandonnées, les pierres brisent les vitres dans l’arrachement des enseignes, un homme de dos au bord, un balcon sans garde-fous dans le déchaussement des pierres, le marbre, essouffler alors que rien n’a commencé, froid, froid, sur le plongeoir dans le bleu délavé du fond, les jambes ballantes, assis, là, dans l’intensité du dos, attendant l’impulsion d’un mouvement, le ressac, la déflagration, un constat d’inertie, le verdict du chemin parcouru, la chambre d’un hôtel résonnant, suranné, l’absence de la présence passée, ils se balancent les hommes pendules, dans le décompte de ce qui reste, l’inventaire des solitudes ordinaires, il n’y a plus mais il reste.

jeudi 24 mai 2012

Je ne sais pas 28


28

Une paire de ciseaux coupant la cellophane, des gouttes de sang, une ville magnifique dans le petit matin silencieux et brumeux, des œuvres d’art anonymes sans la lumière du jour, le bruit des talons, un rythme, une silhouette, un pont, un homme traversant, la nostalgie d’un endroit connu et quitté, un retour avec l’impression de ne pas être parti, une nostalgie inutile dans l’aiguisement des sensations, un rejet, les eaux du fleuve, des gouttes de larmes, un débordement intime, entre le sourire d’être vivant et la volonté d’être mort, le courage manque dans la sobriété rigoureuse, une ligne, un trait, des éraflures peut-être, un corps dans la limite de l’enveloppe, une image, ils se résument à peu de choses le temps, celui qui passe sans le mesurer, celui qui passe dans les paroles anodines, les paroles, ce qu’il y a au fond des nuits, l’insomnie sensitive, un  ressenti permanent, vibratile, attentif, les passages cloutés des grands boulevards, la vitesse, les rires, au milieu des autres malgré moi, une douleur nécessaire peut-être, une douleur dans la négligence de ce que nous sommes, se dire jusqu’au bout, se dire loin du récit, dans le rapprochement des peaux, dans l’odeur des aisselles, ce qui nous dégoûte nous rapproche de nous, le vinaigre. Il y en a qui partent et d’autres qui restent, dans la temporisation, il y en a qui veulent s’enfuir et d’autres qui veulent revenir, un balancier, le va et vient, il y en a que l’on aime et d’autres que l’on aime plus, pour toujours ou par caprices, il y a des paroles en l’air et des frappes aériennes, des avions qui emmènent et qui débarquent, il y a des petits bateaux, la coquille qui protège le fruit, les membres que l’on brise dans la soudure métallique d’un chantier naval, les vagues sur la coque, des croisières, le détestement du mot rêve, une moisissure sur la réalité de la débauche comme autant de paroles inutiles sur l’inconnue des jours qui suivent, les jours qui suivent, en être sans en faire partie, la culpabilité qui en découle, coupable de ne pas comprendre les enjeux, nu, ni mieux ni moins bien, nu dans la tentative de ne pas céder à la colère, se retenir pendant que les portes et les volets claquent aux vents que les hommes affrontent sans mesurer l’impact, l’enjeu, prêts à tout pour la condition d’un seul au détriment de combien d’autres, les autres, le cercle, loin de l’intime et son désordre. Un fil discontinu, une coulée dessinant un trait rouge sur un visage, la beauté de la blessure, l’œil rougi de la douleur, les frontières se dessinent dans la négation de la souffrance de l’individu, dans la torsion, la vrille. Il y a des regards insoutenables. Les enjeux. Il y a de la violence qui ne se marque pas sur les corps, des êtres abasourdis, dans la lobotomie hiérarchique, des immeubles à étages, des tours extravagantes, extravagantes, extravagantes et fixes au milieu des êtres qui marchent à leur pied dans le vertige des sommets inaccessibles, dans l’étrangeté quotidienne d’un soleil qui continue à nous éclairer, dans les parcs ombragés où les bacs à sable et les plaines de jeux résonnent de cris de joie, il y a des hommes qui pleurent les femmes qui bercent les enfants pour qu’ils s’endorment enfin, il y a ceux pour qui tout va bien et c’est tant mieux, heureusement qu’ils sont là, ceux-là, au milieu des oiseaux, loin des obstacles et dans l’émerveillement de ce qu’il y a, rien de plus. Et il y a moi, quel est mon enjeu à vous regarder si fort, peut-être trouver une réponse à ma dysfonction, plus égoïste encore, non, coupable de prendre et dans la tentative de rendre tant bien que mal dans ma réalité tronquée de la vôtre, insuffisant d’envergure peut-être pour ambitionner autre chose qu’ajouter du temps à du temps, l’enjeu où se trouve-t-il. Dans l’excuse du regard que je porte, l’écriture comme un filtre d’amour au milieu des colères, la seule manière de vous dire absolument sans que l’image implique quoi que ce soit, je ne suis personne excepté celui qui tente de vous dire, un personnage pour certains, une personne pour d’autres, est-il possible de faire la part des enjeux dans l’inconscience de qui nous sommes réellement. La beauté n’apparaît qu’au milieu de la laideur, dans le commun du quotidien, il suffit de la prendre, elle s’approprie sans difficultés puisque ce que vous regardez reste inconscient de sa beauté, dès qu’il y a conscience, elle disparaît dans le passé ou le futur mais elle n’est plus présente, l’évanouissement, l’évaluation personnelle de la quantité d’espoir qu’il me reste par l’émerveillement du temps qui se suspend, sa fréquence et son absence de valeur, le voilà l’enjeu, l’émerveillement sans la valeur de ce que je regarde, dans la fidélité du chien à son maître, je serai toujours derrière la porte, toujours.

mercredi 23 mai 2012

Je ne sais pas 27

27

Un cri dans la douceur d’un regard, la peinture explose dans la projection, une colère inexplicable, un enfermement presque, un enfermement. Une plage dans le bruit des vagues, l’inquiétude des enfants d’être abandonné dans une voiture, rouge, un ballon dans une rue en pente, des rebonds, des ronds dans l’eau, des rubans, des liens, ils s’attachent à des images, laissant glisser les mains sur le visage d’une photographie, une porcelaine translucide, un vieux rose, la nacre, la mémoire, là, dans la tristesse d’un lendemain inconscient de celui qui a précédé, au milieu de tous ceux qui pensent ne mourir jamais, être là et attendre, attendre un sursaut d’humanité, se dire que peut-être, nous nous sommes trompés, perdus, abandonnés, oubliés, négligés, largués, désistés, désertés, renoncés, dans le remplissage des interstices sans le vide nécessaire, la plage. L’urgence, l’industrie du progrès, aux dépens de tout le reste, dans le miroitement de lendemains meilleurs, éblouis des promesses, les ballons dégringoleront toujours les rues en pente pour le plus grand bonheur de ceux qui les regardent passer, l’enfant sur le rebord de la fenêtre, un cœur dans la buée du carreau, dans le temps qui passe, une parole rendue, le langage, le langage hors des remplissages, dans l’expression de la beauté, l’espoir de pouvoir se dire encore tout l’amour nécessaire, le minimum peut-être, passer la main sur ton visage.

mardi 22 mai 2012

Je ne sais pas 26

26

Dans l’agitement autour, au bord des fleuves qui traversent les villes, comme des ventres engloutissent, dans la vitesse du courant caressant les berges où attendent des bancs gravés des prénoms des enfants qui s’embrassent, grandir dans la mélancolie des flots, se laisser aller à la musique des profondeurs sombres, opaques, dans la lassitude du temps rythmée par les trains remplis de passagers en mouvement, à contre-courant, dans le délaissement des arbres qui s’effondrent, des branches qui baignent les bourgeons d’un printemps, dans l’attente il reste les saisons, des marquantes, nous perdons du terrain, je voudrais revenir là le dernier jour, le dernier jour. Donne de la voix, entendre, crie, vivre, dans la bousculade des émotions, dans les larmes, je verse sans m’en plaindre, je ne veux pas être aride, il me reste, il me reste de la jeunesse, du bois vert, aime dans ce temps qu’il te reste, dans le remugle des fonds vaseux, dans les roseaux des eaux tranquilles, sur les embarcadères des bateaux de plaisance, dans la traversée, une brasse coulée, dans ces corps jeunes, sur les bancs impudiques, quelques lettres et un cœur, à jamais, à jamais. Je veux me souvenir que tout est possible, de ce moment où nous ne savions pas en croyant qu’un jour nous saurions, jamais, je veux courir dans les flaques laissées par la pluie, chuter le genou écorché, ne pas avoir peur du rouge qui coule de mon corps, le sang d’une jeunesse, dans la décrue, vers l’embouchure, il n’est pas trop tard, jamais, je veux vivre, brûler encore, me réjouir des humeurs fluctuantes, des paradoxes, l’enfance de l’art, les colères, toute l’injustice de dire ce que je ne pense pas, demander pardon, pardon. Je me souviens de vous, de tout ça que nous n’étions pas, il y a des vies qui se jouent sans savoir, nous aurions pu mourir, nous sommes vivants, loin les uns des autres, sans comprendre, il reste le fleuve et ses virages, toute cette sauvagerie du trop plein, la fougue, les lieux-dits se rappellent à la mémoire liée au fleuve, les écluses comme autant d’étapes, les rives comme une escorte, le halage sur lequel nous regardions passer les bateaux, les péniches, un ancrage, une amarre. Je suis venu m’asseoir.

lundi 21 mai 2012

Je ne sais pas 25


25

Des chemins, des lignes droites dans l’entremêlement des carrefours, en être là, dans l’avalement, la déglutition, dans la limite du sens des mots, au milieu des sentiments abstraits, ne plus rien savoir, s’enfermer pour ne plus entendre et voir, l’érosion, l’usure d’un homme à la porte des mélancolies, dans la volonté de s’asseoir et de continuer à parler envers et contre lui, il regarde ses mains de chair, vulnérable, emprunt de sentiments inextricables, dans le doute de ce que nous sommes les uns pour les autres.

dimanche 20 mai 2012

Je ne sais pas 24


24

Deux murs qui se rejoignent forment un angle, une arête. Des jours de larmes, la sécheresse d’un morceau de pain, abrasif, un goût amer, l’agrume. Seul, des gens s’asseyent, seul dans le mouvement de ce qui se déchaîne, dans le grondement du chien endormi, dans le brûlant des gorges il y a la bile. Une pierre jetée dans la vitre, de l’intérieur, pour s’enfuir des portes. Il n’y a plus rien, excepté ce que d’autres prennent, que des yeux, des yeux. Les enfants dans la dégoulinance des eaux usées, l’industrie des corps sans âmes, debout, dans la défiance des jours qui se suivent, la projection contre les murs dans le démembrement des corps criant à gorges déployées je suis un être humain, une pliure dans l’indicible craquement de la matière, abasourdi comme la lumière ne trouvant plus le jour, ils déambulent, un défilé  de corps décharnés dans les alarmes des volets métalliques peut-être. Les oiseaux sur les branches, dans l’odeur des sentiers humides décomposant lentement les feuilles mortes, la boue, dans la saturation, un débordement.

Je ne sais pas 23


23

Une explosion, un homme attaché, des piquets, la voix se pose, il chante, il chante dans la fixité de l’emprisonnement à la tâche et aux charges, l’explosive. Il en faut du temps. Ils s’écoulent sur les plages aux ventres ronds des enfants de famine, les larmes des coupables, l’injustice peut-être, les oiseaux continuent à affronter les éléments, le lot quotidien, les mains se desserrent laissant la dérive dans l’inconnue des océans, Ils vomissent des poissons de surface, des mers d’huile dans l’abstraction des responsables, dans un chavirement au son de la musique des plaintes, un tango, rouge flamboyant, le sourire d’une photographie dans l’urgence du moment, une plage, le dénouement. Une femme regarde un homme en pensant à l’enfant. L’orchestre joue dans le fond du bar, le souvenir enjolivé, la mélancolie, prends-moi dans tes bras dans l’urgence des pas qui s’éloignent déjà, nous pourrions mourir, un jour il faudra. Certaines femmes aiment qu’on les regarde, et des hommes obtempèrent dans un accord tacite de ne toucher à rien, une image, un roulement de tambour, la suspension, l’instant d’un regard sans l’empreinte de la main, une trêve dans l’inacceptable vitesse quotidienne des délaissements. Le chien se couche derrière la porte. Un sourire, un jour comme de l’ouate dans du mercurochrome.

samedi 19 mai 2012

Je ne sais pas 22


22

Au petit du jour qui vient, suivant de celui qui précède, des événements dans les fils d’attente, quel chamboulement, à quoi doit-on s’attendre dans le possible de tout, le meilleur peut-être, c’est aujourd’hui que des millions vont naître, remplaçant dans la joie ceux-là qui attendent de partir, combien naissent pour un qui part ou inversement tout dépend ce que l’on attend. La vie, d’accord ou pas d’accord, un matin comme tant d’autres avant, le chien déjà présent, fidèle, une ombre presque, la caresse comme machinale, jusque-là rien de bien extravagant à cette journée qui se met en branle, au milieu des incendies, des feux de forêts d’hommes et de femmes, un quotidien confortable en somme, confortable. La fidélité comme une récurrence, non, comme la volonté consciente de ne pas s’attacher, se libérer des mensonges, factice, contrefaçon, des mots, des mots pour dire le refus de s’aliéner les uns aux autres dans des promesses vaines, si tu dis tu fais, déjà quelque chose change. Il n’y a toujours pas de lumière, quelqu’un dort dans la pièce adjacente et inaccessible, des êtres humains empilés sans se connaître, dans des tours déchirantes, les maisons d’hier divisés en appartements d’aujourd’hui, toujours plus petit, dans le craquement des flammes comme des corps qui s’entrechoquent de tout ce qui les sépare dans une superficie restreinte, derrière les murs des drames et des bonheurs, un jour comme un autre, l’addition qui fait la somme, l’instinct quotidien que le temps s’écoule au milieu des sentiments, des mots, le silence avant l’urbanité des croisements. Peindre le dimanche.

vendredi 18 mai 2012

Je ne sais pas 21


21

La solitude nécessaire à voir, la solitude comme la possibilité des autres alentours, la solitude afin d’accepter l’interférence, la solitude pour mieux se retrouver, partir, courir comme l’enfant, léger de vous, apprendre à nouveau sourd de tout ça, léger de la carcasse et des encombrements, de ce qui jonche les routes comme autant d’obstacles pour se rejoindre, le temps, le compte ou le décompte, ce qu’il nous reste, le reste comme la monnaie de ce que nous avons eu. Le miroir reflète les portes qui claquent. Le souvenir des fauteuils, de vous et de moi, nous entourant dans la chaleur d’une pièce, dans l’absence comme une éviction volontaire, s’extraire de ce qui entoure pour être au plus près de ce que nous pensons être, assis dans du velours, les images défilent dans l’impalpable sérénité des émissions de chansons, tout sourire, je ne sais pas, je ne peux pas. L’intimité offre l’inconfort des variations, la surprise des absences, intimes, les excuses sans explications, se permettre, non, l’incapacité, refuser les excuses, l’addition, des calculs, incapable, la rigidité d’une camisole, impossible d’éviter les coups, le butoir, les corps. L’impression d’avoir tout donné alors qu’il en reste encore, pourquoi se satisfaire, plus loin toujours plus loin, la difficulté de l’exigence, une douleur presque, l’humanité dans l’odeur des marées abondantes. Nous nous appartenons à jamais, indélébile des embrassements, des étreintes, même dans l’éloignement, dans l’absence il reste les calculs, cette volonté d’être aimé, aimés. Ne pas s’habituer, refuser la compassion d’un regard qui dit vous comprendre, noyé dans une piscine, un corps flou sur le bleu du carrelage, dans le brou des feuilles macérées, l’hiver, l’hiver devant le feu d’une cheminée sans savoir ce qui nous y rassemble, l’intérieur amniotique comme une évidence, une évidence, aveugle dès la naissance.

jeudi 17 mai 2012

Je ne sais pas 20


20

Est-il possible. Est-il possible de se tenir au bord de la falaise le regard haut, le front volontaire, libéré de la charge de ce qui précède à notre insu, souvent rongé par cette peur de savoir et de s’être trompé, ce que nous savons au plus profond bien avant l’obstacle, les remords de n’être pas ce que vous attendiez, vouloir tellement vous contenter, tellement à s’en oublier, s’en oublier, ne sachant plus où regarder, ne sachant plus entendre sa respiration même, se répéter comme pour se convaincre, sans cesse, la folie douce que de remplir une fonction plutôt qu’une autre, se poser des questions, des questions à la suite des autres, un mouvement perpétuel. Comment faire pour avancer libre au milieu des contraintes, libérer les mains pour enfin les embrasser, les glisser sur les visages, se laisser caresser sans en attendre plus des autres, les caresses dans la bagarre quotidienne, la bagarre pour émerger où d’autres submergent, l’ambition peut-être, inutile ou irraisonnée, la déraison de croire en cela que nous sommes, une entité singulière dans une masse globale. Etre au pied de cette falaise et regarder l’éperon rocheux avec envie, comme si cette place était la nôtre, l’accession, mais il faudra grimper, apprendre, il faudra du temps, du temps, toujours le temps, est-ce le perdre que de vouloir accéder à ce que nous ressentons comme dû, coupable d’avouer les ambitions, les ambitions, le travail intimement lié, la chute, comme pas prêt encore, pas prêt, ou insuffisant, insuffisant, quel mot. Un rappel, qualificatif du paradoxe entre le potentiel et le travail réel, dépasser ce point de maîtrise pour enfin se mettre à transpirer, le porte-à-faux, l’inconfort, la délicatesse, le risque certainement, la fainéantise, le visage se tourne en écrivant ce mot, honteux de savoir qu’il est approprié peut-être, un regret de n’avoir pas, dans la maladresse de ne savoir pas, trop tard peut-être pour trouver la voie, tous ces doutes me tuent et détruisent le travail accompli comme une mémoire défaillante ne se souvenant de rien, un effacement. Un effacement malgré la conscience de ce souhait de vous rejoindre la haut, sur le pic et de regarder loin, l’horizon, l’horizon et ne rien sentir vous arrêter, exulter dans la fougue d’un homme en liberté, la liberté dans une cour grillagée, très jeune déjà le long du cours d’eau je voulais m’échapper, partir où vous ne me retrouveriez pas, vous faire souffrir de la même souffrance ressentie de n’être que là où je me trouvais, je rêvais de tellement plus que cette respectabilité de pacotille qui reconnaît le courage des hommes, j’aurais voulu que vous ayez peur de moi, que vous craigniez mon départ, que vous ayez peur de me perdre, alors que je ressentais que mon absence n’aurait rien changé, me demandant sans cesse pourquoi rester, sans le retentissement espéré, celui de la naissance peut-être. Intime présomption d’y être malgré eux, une présence inopportune, le démenti de la vie pour la vie, comme si la mort faisait partie de moi dès le premier jour, comme si le rêve n’était pas moi, un ailleurs au milieu de ce que je représentais, un empêcheur, dans les pieds, alors souvent je me suis vu sur cette colline revenir en vainqueur et terrorisé cette région qui n’avait pas su reconnaître en moi l’avenir, c’est terrible, ceci justifierait l’erreur de mon parcours, tout ce chemin pour en revenir là, au point de départ mais pire, un constat d’impuissance, l’échec, je voulais être chef et je ne suis même pas soldat, est-il possible de continuer. Une entité, seul, inconscient de l’amour à l’entour, cruel pour ceux-là, le voilà mon éperon rocheux, l’amour dont je prive ceux qui me l’offrent, l’injustice quotidienne de la frustration d’un homme seul, tout ça comme un aveu vulgaire, il ne manquerait plus que je me mette à pleurer. C’est le moment de reprendre la route, il faut que je travaille car il me reste la dignité de n’être que celui-là que je suis, dans la posture douloureuse d’un corps figé dans la lave. Et au milieu de tout ça il y a la beauté du jour, le cri.

Je ne sais pas 19

19

Le mutisme, les nuances de gris, un ciel, une percée blanche, éblouissante dans le silence, les traces sur une fenêtre. Ne rien dire, trop, il y a toujours trop. Dans les courbatures d’un corps, attendre, sans savoir, un signe, une avalanche, se contraindre dans la liberté de ne pas bouger, accepter d’être dégueulasse, les cris dans le cristal des lustres, les corps dans la transparence des peaux, un tourbillon dans la fixité trouble du regard. Des chaises comme des sculptures, l’émotion, l’intimité de l’usuel, le quotidien dans le temps de l’extraordinaire, l’intime, dans l’entendement nécessaire, l’invitation, dans la difficulté de rester, partir, non rester, rester. Le temps, les visages, ceux d’hier que l’on mélange à ceux d’aujourd’hui, la nostalgie, la peur, l’inconfort, ne rien savoir, le vide, un gouffre, le vertige.

Je ne sais pas 18


18

Un homme sur une chaise.

mercredi 16 mai 2012

Je ne sais pas 17


17

Une vie, attends, un bruit, attendre quelque chose sans savoir, l’inertie, un caillou, l’écho, une croix, une campagne, les blés écrasés, l’évocation de quelque chose peut-être, loin, le corps dans l’humidité, une gerçure, les mains douloureuses, des épaules chargées, le poids, l’effort se marque dans les commissures de la bouche, une tension, l’infusion à la chaleur de l’eau, le corps coule dans le fond aveugle et sourd. Les sacs plastiques au vent s’accrochent dans les branches des arbres, les sourires des femmes sont tristes parfois, l’infusion de ce que l’on ne sait pas, l’inconnue dans le bruit des autres, un effort sans pareil, l’envie de partir mais il faut rester, rester, rester, dans l’ancrage quotidien, dans ce qui nous retient, la peur et les bons moments, ailleurs il y a des sacs plastiques qui portent des vies, la roue, la langue, le remugle de l’inconnue, des visages tannés, la crainte de n’être pas aimé ou moins encore, reproduire l’écueil des erreurs séductrices de celui que je ne suis pas mais que je force, la vie, l’intégration, faire partie, absolument faire partie.

mardi 15 mai 2012

Je ne sais pas 16


16

Dans l’encoignure, une plinthe et le carrelage, l’endroit où se niche la crasse, les résidus, les restes. Un biscuit sablé que l’on trempe dans le café, dans le fond de la tasse, la soucoupe ébréchée sur une nappe tachée, des auréoles comme des traces d’hier, c’est la cuisine, la cuisine et sa table, parler d’une vie, de celle-là qui traverse, la solitude du plancher, le vernis vieilli, les fauteuils fatigués dans un autre coin, la tapisserie noircie, le temps, toujours le temps, le temps, regarde toute l’inaccessibilité qui sépare, dans les questions qui effraient de la verticalité de la paroi, la réponse qui n’en est pas une, le nuage sucré, la voix du chanteur préféré, le soleil dans les carreaux éclaire la poussière sur le sol. L’habitude du regard à se frayer un chemin, l’imbroglio, ce à quoi on s’accroche, loin de la ligne, le souvenir de la maison de l’enfance et de son chaos, le vide, le vide pour vivre, un monde ailleurs, loin des gémissements de la vie, de cet animal qui meurt péniblement, de l’épanchement des misères, de la reconstruction d’un autre monde, à la recherche du sens, le sens, les aiguilles de la montre, vertical, verticale. La fenêtre, l’objectif, s’extraire, s’inventer autre et ailleurs, la course, l’évasion, la fuite à travers, effrayer de devenir, l’oppression, immortel de cette chevauchée fantastique, les bras courts, les manches relevés, la transpiration le long de l’échine, ferme les yeux, les herbes te piquent les jambes nues, toute la colère dans les poches de ce bermuda, ces points rageurs que l’on serre et qu’ils ne voient pas, ces coups de poing, les douleurs que l’on s’impose, la table soulève les poussières des jours passés, rares sont les retours, la mort, et tout ça malgré l’amour. Dans les visages la peine, le sang, le silence de toutes ces peines étendues sur les lèvres inertes, la vie muette de ceux que l’on ne connaît jamais, de ces passants, du hasard presque, le hasard, une nuit de brouillard sur les rives du fleuve, le lit comme un berceau, la couleur de l’eau, une mélancolique coulante dans le courant des bateaux, pas des bateaux, des péniches de transport, ici il n’y a pas de plaisance, un peu parce qu’il faut bien rire, des berges, le halage où les chevaux usés tiraient la charge des barges trop lourdes, il y a longtemps. C’est là, dans le long du fleuve, juste avant le pont, là, pas ailleurs, l’enfant assis à cette table des adultes, il doit se taire comme s’il n’entendait pas.

Je ne sais pas 15


15

Une fermeture, un corps enclavé dans l’étourdissement de ses convictions, la crispation autour de l’amalgame, une soudure, fœtale de la naissance, naître aux influences inévitables, les piquets d’une clôture restent une limite dans l’absence du fil, influée sans être marquée, la chape. L’œuvre reste incomplète de la raison qui a poussé son auteur à la réaliser.

lundi 14 mai 2012

Je ne sais pas 14


14

Des chaises suspendues à des filins dans un ciel gris, il n’y a pas de places, des chaises, sur l’air comme des voiles, du papier translucide adoucissant la grisaille des jours, l’étonnement d’un objet détourné de sa fonction, le quotidien devenu extraordinaire, multicolore, des taches de couleurs dans la morosité, le sourire des passants, une robe de mariée avec du tulle, une danseuse, les pointes à la rambarde de l’escalier de la gare, la beauté d’une peau fardée pour la représentation, l’extraordinaire de l’imagination nécessaire au voyage quand il ne reste rien, des enfants jouent à la guerre sous les bombes, des cerfs-volants côtoient les larmes des soldats, dans l’insouciance quotidienne de certains d’autres se déchirent, c’est comme ça, dans la fatalité nécessaire pour que ça continue, dans l’explosion journalière de la colère de ces hommes qui crient la rancœur et de ces femmes qui pleurent la douleur des enfants. La clarté d’un nouveau jour, une éclosion dans toute cette difficulté, les fleurs au milieu des décombres, il reste toujours quelque chose, une trace dans la déflagration, un tremblement, la terre foulée par les pieds nus des enfants, des lambeaux, des debouts qui ramassent les couchés, cette volonté incroyable de vouloir malgré tout reconstruire, effacer le délabrement, de la chaux vive sur les mémoires des caves humides et odorantes. Le temps saccade, des convulsions, une réminiscence, la somme de l’inconnue qui compose la poésie de chacun, le corps en branle, des pas à la suite d’autres pas, le tempo dans le rythme des vies croisées, la fumée de cigarette par la bouche ou par le nez. Le tracé des lettres sur des lignes de papier, des oiseaux comme des cocottes, voir plus loin que le premier plan, lire plus loin que l’imprimé, une radiographie au-delà de la chair, les os, la fracture, la calcification, la charpente de l’image que l’on représente aux yeux des autres, la structure portante. Dans la suspension des chaises vides, les balançoires aux arbres des oiseaux sur la colline des enfants, près du ciel, juste là, à portée de voix, dans la discrétion de l’oreille, un chuchotement. Le secret peut-être, j’attends le temps nécessaire, un décompte, peut-être jamais, mais je ne veux pas ne pas entendre alors je me tais. Un rouge-gorge.

dimanche 13 mai 2012

Je ne sais pas 13


13

Toutes ces questions, des questions, tout ce qui brûle, les réponses comme des affirmations, dans l’empreinte du doute, je marche dans la trace gelée du précédent, dans le craquement, la brisure du gel, l’éloignement des plaques dans un mouvement lent et presque silencieux, silencieux à celui qui ne veut pas entendre. Nous nous éloignons sans pouvoir oublier l’origine, là d’où nous venons, une répulsion naturelle, l’épine, pas tous, pas tous. Des histoires sans parole, le son d’une horloge et le temps, le temps, une scie, un ruban. Je cherche à trouver au-delà du premier plan, l’évidence, l’image que vous voulez que je voie, j’en cherche une autre, une raison comme une excuse à cet état, le piano d’une mélancolie étrangère mais proche, le temps nécessaire et minimum pour atteindre, se laisser porter dans une confiance aveugle. Une femme étendue dans la neige, des lèvres rouge sang, toute la cruauté du désir, un froid qui enrobe un corps nu, une cruelle beauté dans le givre de l’image, la buée sur le carreau, tu t’éloignes, ne me laisse pas, les mains froides et douloureuses de l’absence, je rêve des femmes parce que je suis un homme, la générosité d’un abandon dans l’électricité des nuits, n’éteins pas je veux continuer à nous voir, les ombres exultent dans des lits drapés de blanc, ils s’aiment dans les nocturnes éclaboussantes, les incendies.

samedi 12 mai 2012

Je ne sais pas 12


12

Tout se range dans des caisses et se pose sur des tables bancales, le balancement imparfait sur l’instable du moment, les approximations, l’imprécision des errements, on ne peut pas savoir, je ne suis pas celui qui sait, je découvre sans cesse, j’oublie volontairement ce que je sais pour continuer à découvrir, la richesse quotidienne de mon ignorance, l’ignorance, ne me demande pas je ne sais pas, il n’y a pas de réponses à attendre, et si toi tu sais ne me dis rien, ne me dis rien, ne m’imprime pas de toute ta perfection, laisse-moi imparfait, vivant des erreurs dans un monde d’horreurs et d’émerveillements, je me nettoie les yeux avec l’eau fraîche que tu tiens dans les mains, sourde de cette pierre, un jaillissement comme une porte qui s’ouvre sur la lumière quand le noir fait peur. Les mains froides d’un enfant que l’on serre pour les réchauffer tout en acceptant qu’il refuse ce réconfort, l’autonomie des découvertes, ne pas prévenir sans cesse, la conscience, s’abstraire pour ne pas être indispensable, l’abnégation.

vendredi 11 mai 2012

Je ne sais pas 11

11

Les cercles annuels d’un tronc, le vieillissement, l’avancée dans le temps, le souvenir de ce qui passe, le nœud de la branche arrachée, dans l’impalpable de la neige comme du sucre sur les cheveux. Les gens, ceux du matin, les histoires, il y a des histoires, des belles et des moins belles, aussi de très laides, des atroces, il y a des voix qui parlent. Le point de départ, doit on tout savoir, se nettoyer de ce que nous savons, refuser d’être le filtre de la voix des autres, chercher la sienne, propre de tout ça, trouver le sens. Les fausses fourrures habillent les femmes comme de faux animaux, les guitares sont électriques parfois, les journaux noircissent les doigts, les doigts d’une main faite pour la caresse sur les visages, les ongles noircis des enfants qui jouent dans la terre. Les efforts nécessaires pour trouver la poésie dans l’image d’un jour sombre, le recueil comme un carnet du fond de la poche, le crayonnement des sentiments quotidiens, capter le ressenti, ne pas le laisser s’échapper, une trace comme un cercle. Les hommes regardent les femmes sans les affronter, déjà ils biaisent, dans l’intensité d’une courbe qui se moule dans des justes aux corps impossibles à soutenir, les artifices et la mèche, les cheveux et la coloration, être regardé, le spectacle des défilés des visages que nous oublierons, l’intensité, l’insoutenable de ce que nous ne serons jamais, la beauté d’un corps nu offrant l’espoir de la vie dans un envol lyrique, le réceptacle de nos orages. Des couleurs dans une image, le rouge souvent, comme des petits chaperons, le rouge dans la grisaille climatique, l’œil en éveil dans l’endormissement des saisons, un halo flou, une sensation de vie, la couture sur les trottoirs des villes. Les flaques au pied des bancs publics, les gravures, le passage de celui-là qui voulait dire sans savoir ou et comment, un prénom abîmé sur une planche comme une épave sur une plage, l’abandon du temps, l’usure, la lame se brise dans le bois dur ou dans l’écume. Les poissons volants discutent avec les oiseaux nageurs. Dans impossible il y a possible, la pugnacité, possible absolument, le ressac, y revenir jusqu’à l’envol, l’éloignement vers d’autres horizons, la liberté de croire, le possible à contrario, l’amour envers et contre, le mouvement dans le refus de l’immobilisme, le progrès antidote de la colère, il nous appartient, responsables pour ne pas être coupable, le carnet des crayonnés, les visages dessinés dans la recherche illusoire du trait, de celui que je voulais dessiner, pas le modèle il ne m’intéresse pas, je cherche une vérité, une seule, celle de ses yeux, dans la giclure inesthétique, sans la gomme, chaque trait faisant partie des rides du temps, l’ondulation provoquée par le geste brusque, imprimée. Il y a des roulettes qui portent le poids de ce qui ne veut plus marcher, des caddies tirés par des mains serrant une poignée, il faut se tenir dans l’avancement, sans la rue tout ceci n’existerait pas, sans les cents pas, la promenade comme une ligne de conduite, la recherche du filon à exploiter dans les croisements des solitudes élémentaires qui nous poussent à regarder le sol par peur de devoir se voir, les hommes regardent les femmes de travers pendant qu’elles s’enfuient apeurées, reviens, je voudrais te dire comme tu es belle rien de plus, que l’on s’y prend mal, les vulgarités de la marche quotidienne, le rouleau compresseur des lieux communs dans la singularité de chacun, l’incompréhension du jeu qui s’installe à l’insu, l’éclipse. Je ne sais plus ce que je dis, mais je suis là, dans l’émerveillement de ce que nous sommes et que nous laissons transparaître, ce que nous ne savons pas et que d’autres regardent, spectateurs de nous dans l’intensité de la non représentation, la présence malgré nous, des images fortes, l’eau des rivières sous le soleil d’été, la sensation froide sur des chevilles abîmées de porter celui-là qui se repose sans s’arrêter, le mouvement dans la statique du corps, les images assemblées, j’accepte les marques du temps qui me vieillit, j’appréhende ce visage avec des yeux d’enfant, des traits supplémentaires dans le carnet aux images, des milliers de dessins dans les jours grisonnants, l’obsession quotidienne de trouver ce que je ne cherche pas, curieux, naïf de ce que je veux garder en mouvement, les oiseaux.

jeudi 10 mai 2012

Je ne sais pas 10


10

Il y a des langues dans des bouches. Des êtres étanches dont rien ne coule. Des odeurs. Un genre que l’on donne, des gifles que l’on reçoit, tout ça, des mains mal utilisées dans la suspension du son de la porte claquante, étanche. Des femmes que l’on regarde et d’autres que l’on ne regarde pas, jamais, pourquoi, tu parles à qui, tu veux que je me taise, tu miroites un reflet tragique de corps étendus entre deux couches, dans l’air, l’air. Ne rien se dire mais parler quand même dans l’espoir que l’on se comprenne, se comprendre c’est s’effrayer, le masque des théâtres incendiés, utile ou agréable. Utile. Le prix des choses, celui que nous sommes prêts à mettre, l’amour n’existe pas, ou peut-être que oui, l’amour comme un absolu, une vague, tu te tais, tu sens ce que je dis, les varechs. La mer monte, un trou dans la terre rempli de la mère, les marées de sentiments, les cheveux aux vents, l’enfant sur la plage, il me reste des images, un film, celui-là, le générique défile chaque nuit. Il n’y a plus de raisons, il y a des redresseurs, la terreur. Pourquoi tu me regardes, il n’y a plus d’histoires, des fragments, des villes étendues dans la fumée des incendies, des morts au milieu des vivants, l’odeur, offre-moi les odeurs de ton corps pendant que nous sommes en vie, dans la course je cherche la mémoire des sens, je veux me souvenir, je veux t’emporter au-delà de la présence, je veux que tu vives à chaque instant, je veux pétrir. Il y a des corps, des millions de corps, mais seul au milieu de l’étendue, je meure ou je nais, naître, éjecter de l’habitacle, le cocon, les mots automatiques, les liés à la fonction quotidienne, ces mots que l’on ne mesure plus, l’habitude, je ne veux pas m’habituer, ne t’habitue pas non plus, c’est impossible de s’habituer, s’habituer c’est réduire le champs des possibles, émerveille, je veux voir nu, la chair libérée de la contrainte, des pores respirant. Je veux répéter sans cesse des mots que je trouve beau, des sonorités magnifiques comme certains prénoms, le lien inévitable de la mémoire aux mots, aux prénoms. Il y a des sourires avec des dents, la comédie dramatique, les guerres dans des déguisements, je tente d’oublier les rancoeurs mais la tristesse est tenace. Courir, perdre haleine, se sentir presque mourir, pousser jusque la falaise la frénésie de vivre, vivre à ne plus avoir peur de mourir, la musique du claquement des voiles aux vents, le courant d’air un jour de grande chaleur, la brise qui laisse intact, un seul morceau, un bloc, le granit avec la fragilité du biscuit. Les récurrences, la fréquence des coups, un caillou devenu galet, l’adoucissement des angles dans la solitude nécessaire, accepter les limites, n’être que celui-là sans chercher à ressembler, singulier à vivre, tellement près, là. Dire la même chose toute une vie, chercher à exprimer, une obsession, dire. Il n’y a pas de titre, un déplacement, des ronds-points, des échangeurs, des directions, des kilomètres de route, des autoroutes comme des bouches, des enfants qui tirent des langues sur des plages arrières à grande vitesse, je veux vite, tout de suite, exister, ne pas venir pour rien, cet enfant, celui qui aime dans la confiance d’une brisure, dans la séparation de la promesse, dans les mensonges comme des exemples, l’enfant déçu de ses modèles, je vous aime, c’est toujours à ce moment-là que je pleure, quand je vous dis que je ne peux faire autrement que vous aimer, parce que je suis comme ça, malgré les blessures que l’on insoupçonne. Au bout de la jetée, je passe des heures à écouter le fracas des vagues qui s’écrasent sur les poteaux en bois, une avancée dans la mer sans se mouiller, s’éloigner du bord sans risquer de se noyer, la noyade au milieu du cri des réjouissances d’une plage, des hommes se noient dans le divertissement quotidien, parfois à quelques mètres les uns des autres. Rien ne sert de faire semblant, la semblance comme un a peu près de nous-mêmes, une silhouette floue des violences, semblant. La voix dans son sérail, l’écrin de ce que nous sommes, au milieu, le centre, un noyau, la vibrance des cordes au milieu des gorges serrées. L’intensité solitaire d’un moment libre des regards, être.

mercredi 9 mai 2012

Je ne sais pas 9


9

L’eau coule dans les rigoles, les veines dans le cœur des villes, les avaloirs comme des valves, tout s’oublie, tout s’enfouit dans les artères des sous-sols, sous nos pieds coulent une rivière de décantations, l’infusion quotidienne des êtres en marche, et, au milieu de tout ça le bonheur de certains mais pas tous. La fonte, la décrispation, dans l’urgence des sirènes, un banc public vide, plus le temps, le mobilier urbain a ses heures de pointe. Les rues s’engorgent aux heures où les bureaux dégorgent la marée humaine, nature morte, écrasée sous la pression des horloges. Le bonheur et toute son approximation, les éphémérides et les horoscopes au hasard de ce qui convient, le papier journal chiffonné d’une mauvaise nouvelle, les retards au milieu des urgences, ne plus voir et répondre à l’injonction que l’on avance, perdre le nord, des hommes sont abandonnés au pied des tours pendant que la pointeuse additionne les retards. Le temps nous attend pour le dernier râle, une vie enrhumée éructant quelques moments de bonheur. Le bonheur, une plaine vaste sans correspondance, une surface plane remplie de jeux d’enfants, le semblant, les strasses, des reflets miroitant, je ne sais pas, plus, jamais. Une voix fausse et obsédante. Les hommes et les femmes pour qui tout change, des rapports influés par l’inconnue, un recul, une avancée, dans la complexité du langage et sa simplicité, des distances, la tectonique des êtres, les grincements, les caprices sans cesse différents, poussés par le vent, des congères figées sur le bord des digues de débordements. Il faut contenir et se contenir. La complicité d’un chien et son maître.

mardi 8 mai 2012

Je ne sais pas 8


8

Le doute, la part de lumière et d’ombre du même homme, le doute. Une crise, un oubli, une dissonance, le doute comme un empêcheur, le doute transpire celui-là qui ne peut le surpasser, l’avortement. L’éclosion saccadée d’une fleur aux premiers rayons du soleil, venir ou ne pas venir, tout est question de départ, d’envol, de mort aussi. Vivre pour mourir ou mourir pour vivre, qu’importe ils parleront de nous au passé, quoiqu’il en soit ils n’auront pas le temps de regarder le présent, cet instant où tout se joue, de l’ombre à la lumière, les corps de bronze. L’enfant passe sur la plage, il n’a pas les cheveux gris, l’enfant ne connaît pas le doute, ce sont des préoccupations d’adultes. Je regarde derrière, des champs et le sillon du laboure, des veines, une poésie de l’image, une rythmique ondulatoire, la contemplation, l’assurance de ce que l’on veut voir, le doute ressemble-t-il au flou de la photographie de ce petit garçon au pull marin tenant son papa par la main, une larme, je ne pensais pas un jour revenir jusque là, enfoui dans le devant. Dans la course je veux rencontrer, je veux ce que je n’ai jamais voulu, apprendre, peut-être pour repousser le doute lié au complexe, le complexe de ce que je suis face à celui que je ne serai peut-être jamais et que je vois loin devant, là-bas, le sentiment instable du moment où votre tâche terminée vous doutez instantanément de sa qualité, incessamment vous réinstallez le déséquilibre de ce qui est accompli, une destruction, rien n’aboutit, même vos plus belles images perdent le sens et l’intensité, des vagues mortes. Le tremblement. Le cadre, une force comme un élément restrictif, voyager au centre et accepter de ne pas élucider, une énigme sans résolution, la solution se trouve hors-cadre, la force de l’extruder, accepter la panique de n’être pas dans les repères, accepter le doute lié à votre voix qui n’est pas celle des autres, pas innovatrice mais tellement personnelle qu’elle vous fait peur, elle installe le doute de l’incompréhension. S’incomprendre, écrire ce mot comme s’il existait, il fait partie de mon langage, ne rien inventer, dire, dire tellement que le doute n’existe plus. Le doute commence dans l’œil de l’autre, celui qui vous regarde avec cet air désapprobateur, c’est là où le combat de la persuasion s’installe, être assez fort pour ne pas vouloir forcer, accepter le doute de l’autre et en faire une force, le forcer à s’extruder lui-même pour tenter de comprendre, lui imposer son doute face à votre sincérité. La force ressemblerait peut-être à ça, laisser le doute aux autres pendant que je continue à arpenter l’inconnue de la résolution de moi-même, déconstruire sans détruire. Un quotidien de confrontation entre les raisons d’hier et le progrès d’aujourd’hui, l’acceptation du travail jamais fini et en perpétuelle évolution, sans découragement, ne pas se laisser reconnaître pour continuer à douter. Trouver l’engouement quotidien à découvrir l’image réelle dans la contemplation nécessaire, le silence des autres et le nôtre, le silence et le temps pour voir l’enfant passer sur la plage en hiver, assis sur un banc dans le froid picotant, sans l’appeler, le regarder suffisamment pour s’en approcher, le pull marin sur le seuil d’une maison, main dans la main. Ne plus écrire tout de suite, le temps est nécessaire à l’éclosion de ce sentiment, la mélancolie d’une fleur qui se fane sans que l’on sache si elle est annuelle, à nouveau un départ, une mort peut-être. L’image d’une photographie plus forte que la mémoire et l’oubli, je ne me souviens que très peu de cet homme qui tient la main à cet enfant, je ne sais même plus si nous nous sommes connus et pourtant nous nous sommes aimés, enfin je l’ai aimé sans jamais lui dire, ce qui lui permet comme moi d’en douter. Ce qui est oppressant c’est de savoir toutes ces personnes que nous avons aimées et que nous avons laissées dans le doute, par la peur de leur dire l’amour, les non-dits cachés derrière ce mot terrible que personne ne comprend réellement, quitte à se voir incompris il aurait fallu leur dire.