vendredi 11 mai 2012

Je ne sais pas 11

11

Les cercles annuels d’un tronc, le vieillissement, l’avancée dans le temps, le souvenir de ce qui passe, le nœud de la branche arrachée, dans l’impalpable de la neige comme du sucre sur les cheveux. Les gens, ceux du matin, les histoires, il y a des histoires, des belles et des moins belles, aussi de très laides, des atroces, il y a des voix qui parlent. Le point de départ, doit on tout savoir, se nettoyer de ce que nous savons, refuser d’être le filtre de la voix des autres, chercher la sienne, propre de tout ça, trouver le sens. Les fausses fourrures habillent les femmes comme de faux animaux, les guitares sont électriques parfois, les journaux noircissent les doigts, les doigts d’une main faite pour la caresse sur les visages, les ongles noircis des enfants qui jouent dans la terre. Les efforts nécessaires pour trouver la poésie dans l’image d’un jour sombre, le recueil comme un carnet du fond de la poche, le crayonnement des sentiments quotidiens, capter le ressenti, ne pas le laisser s’échapper, une trace comme un cercle. Les hommes regardent les femmes sans les affronter, déjà ils biaisent, dans l’intensité d’une courbe qui se moule dans des justes aux corps impossibles à soutenir, les artifices et la mèche, les cheveux et la coloration, être regardé, le spectacle des défilés des visages que nous oublierons, l’intensité, l’insoutenable de ce que nous ne serons jamais, la beauté d’un corps nu offrant l’espoir de la vie dans un envol lyrique, le réceptacle de nos orages. Des couleurs dans une image, le rouge souvent, comme des petits chaperons, le rouge dans la grisaille climatique, l’œil en éveil dans l’endormissement des saisons, un halo flou, une sensation de vie, la couture sur les trottoirs des villes. Les flaques au pied des bancs publics, les gravures, le passage de celui-là qui voulait dire sans savoir ou et comment, un prénom abîmé sur une planche comme une épave sur une plage, l’abandon du temps, l’usure, la lame se brise dans le bois dur ou dans l’écume. Les poissons volants discutent avec les oiseaux nageurs. Dans impossible il y a possible, la pugnacité, possible absolument, le ressac, y revenir jusqu’à l’envol, l’éloignement vers d’autres horizons, la liberté de croire, le possible à contrario, l’amour envers et contre, le mouvement dans le refus de l’immobilisme, le progrès antidote de la colère, il nous appartient, responsables pour ne pas être coupable, le carnet des crayonnés, les visages dessinés dans la recherche illusoire du trait, de celui que je voulais dessiner, pas le modèle il ne m’intéresse pas, je cherche une vérité, une seule, celle de ses yeux, dans la giclure inesthétique, sans la gomme, chaque trait faisant partie des rides du temps, l’ondulation provoquée par le geste brusque, imprimée. Il y a des roulettes qui portent le poids de ce qui ne veut plus marcher, des caddies tirés par des mains serrant une poignée, il faut se tenir dans l’avancement, sans la rue tout ceci n’existerait pas, sans les cents pas, la promenade comme une ligne de conduite, la recherche du filon à exploiter dans les croisements des solitudes élémentaires qui nous poussent à regarder le sol par peur de devoir se voir, les hommes regardent les femmes de travers pendant qu’elles s’enfuient apeurées, reviens, je voudrais te dire comme tu es belle rien de plus, que l’on s’y prend mal, les vulgarités de la marche quotidienne, le rouleau compresseur des lieux communs dans la singularité de chacun, l’incompréhension du jeu qui s’installe à l’insu, l’éclipse. Je ne sais plus ce que je dis, mais je suis là, dans l’émerveillement de ce que nous sommes et que nous laissons transparaître, ce que nous ne savons pas et que d’autres regardent, spectateurs de nous dans l’intensité de la non représentation, la présence malgré nous, des images fortes, l’eau des rivières sous le soleil d’été, la sensation froide sur des chevilles abîmées de porter celui-là qui se repose sans s’arrêter, le mouvement dans la statique du corps, les images assemblées, j’accepte les marques du temps qui me vieillit, j’appréhende ce visage avec des yeux d’enfant, des traits supplémentaires dans le carnet aux images, des milliers de dessins dans les jours grisonnants, l’obsession quotidienne de trouver ce que je ne cherche pas, curieux, naïf de ce que je veux garder en mouvement, les oiseaux.

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