lundi 14 mai 2012

Je ne sais pas 14


14

Des chaises suspendues à des filins dans un ciel gris, il n’y a pas de places, des chaises, sur l’air comme des voiles, du papier translucide adoucissant la grisaille des jours, l’étonnement d’un objet détourné de sa fonction, le quotidien devenu extraordinaire, multicolore, des taches de couleurs dans la morosité, le sourire des passants, une robe de mariée avec du tulle, une danseuse, les pointes à la rambarde de l’escalier de la gare, la beauté d’une peau fardée pour la représentation, l’extraordinaire de l’imagination nécessaire au voyage quand il ne reste rien, des enfants jouent à la guerre sous les bombes, des cerfs-volants côtoient les larmes des soldats, dans l’insouciance quotidienne de certains d’autres se déchirent, c’est comme ça, dans la fatalité nécessaire pour que ça continue, dans l’explosion journalière de la colère de ces hommes qui crient la rancœur et de ces femmes qui pleurent la douleur des enfants. La clarté d’un nouveau jour, une éclosion dans toute cette difficulté, les fleurs au milieu des décombres, il reste toujours quelque chose, une trace dans la déflagration, un tremblement, la terre foulée par les pieds nus des enfants, des lambeaux, des debouts qui ramassent les couchés, cette volonté incroyable de vouloir malgré tout reconstruire, effacer le délabrement, de la chaux vive sur les mémoires des caves humides et odorantes. Le temps saccade, des convulsions, une réminiscence, la somme de l’inconnue qui compose la poésie de chacun, le corps en branle, des pas à la suite d’autres pas, le tempo dans le rythme des vies croisées, la fumée de cigarette par la bouche ou par le nez. Le tracé des lettres sur des lignes de papier, des oiseaux comme des cocottes, voir plus loin que le premier plan, lire plus loin que l’imprimé, une radiographie au-delà de la chair, les os, la fracture, la calcification, la charpente de l’image que l’on représente aux yeux des autres, la structure portante. Dans la suspension des chaises vides, les balançoires aux arbres des oiseaux sur la colline des enfants, près du ciel, juste là, à portée de voix, dans la discrétion de l’oreille, un chuchotement. Le secret peut-être, j’attends le temps nécessaire, un décompte, peut-être jamais, mais je ne veux pas ne pas entendre alors je me tais. Un rouge-gorge.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire