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Il y a une branche à contre jour dans le ciel
bleu. C’est un soleil d’hiver. C’est le froid merveilleux de la vie, celui qui
picote. C’est une image facile, elle voyage, elle déchire cette étendue
parfaite. Je pleure et je pleurerai longtemps encore, une imperfection dans la
porcelaine, une fêlure. La fausse note, le bruit sourd qui précède le bri. Les
océans m’emportent pendant que les vagues font diversion au pied des falaises, je
meurs petit à petit, l’éloignement. Je ne vous parle que d’images tristes, ils
ne m’en ont pas mis d’autres à l’intérieur, je ne vois que la goutte sur la
joue d’un enfant, le mensonge de vos promesses, la gerçure du froid de la
solitude des toujours, je n’avais rien demandé. Dans un grincement, je ne peux
employer d’autres mots que ceux-là, ceux qui expriment une douleur que je ne
peux plus tenir enfermée. La chaleur des regards n’est pas suffisante, je me
répète, je crie, je hurle, j’invective, vivre dans l’injustice, mais aussi, dans
la beauté des corps et de leurs courbes, dans une main qui se pose
délicatement, le bruit de la plume écrivant des mots d’amour. L’eau de rose et
la brutalité des épines. Je ne peux pas parler de grandes choses, je ne connais
rien à part les modèles que vous êtes, je vais mourir. Jeune, j’ai toujours dit
que je voulais mourir jeune, je sais, il n’y a rien d’extraordinaire à cela,
nous sommes beaucoup à le dire. Les arbres, la peinture, la peinture comme
l’approchement de la folie, une façon de mourir, je me suis attaché. Un poteau
d’angle avec des jambes de force, une clôture, un périmètre, la terre dans
laquelle j’enfonce les ongles. S’étendre et laisser pleuvoir pour s’enfoncer,
sans efforts, mais faire confiance au temps, se laisser happer au milieu du
lopin. La suspension entre deux terres, je cherche l’image sans vouloir la
définir, lui laisser le temps. Il faut s’asseoir, regarder les vieilles
personnes sur les rivages des vieux cours d’eau, il faut parler et répéter inlassablement
les mêmes phrases pour essayer d’enfin comprendre qu’il n’y a aucun sens. Ne
pas traduire, surtout ne pas traduire, laisser à chacun son sens, le nécessaire
pour continuer, continuer pour ne pas s’arrêter de croire que demain sera
meilleur, même, s’il y a la déception quotidienne des images vulgaires et des
odeurs nauséabondes. La magnificence des instants, la réminiscence des
souvenirs, la jeunesse des vieux enfants, chercher la disparue, cette
inconscience, refuser le mensonge tant qu’il se peut, dire non, surtout dire
non à celui qui veut m’interdire le temps nécessaire à retrouver le premier
cri. Propre, nettoyé de ce sang de la douleur, veux-tu bien m’excuser ta
souffrance, nous nous sommes perdus, des oiseaux aveugles au milieu d’avions assourdissants,
dans la modernité de la vitesse nous sommes obsolètes, des images jaunies, la
nostalgie liée à l’imperfection des souvenirs, un ailleurs plus confortable
nettoyé des exactions. Le contraste du noir et du blanc, la lumière intense de
sa caresse, l’ombre des orbites, les cadavres se promènent au milieu des
vivants, sans plus faire la différence nous serrons dans nos bras des
squelettes de chair. Macabre, j’entends d’ici, le cimetière des émotions, les
camisoles dans la folie des barricades, il en meure tous les jours des
« mère courage ». Je pleure comme un homme peut le faire sur l’injustice
qu’il ne peut pas enrayer et le sentiment de culpabilité qui en découle, voir
et entendre devient trop difficile dans la transparence de la porcelaine brisante.
Une lame d’acier vibratile, je me tords dans le ressenti de la somme de mon
inaptitude à être parmi vous et le paradoxe de ne pouvoir partir, de rester
malgré tout l’inconfort, vous faites parties de ma vie et pas encore de ma
mort. Je pense à d’autres hommes que je reconnais parfois dans le fond des
yeux, à ceux-là qui dans le silence avancent sans savoir ce qui les tient
debout. Le quai d’une gare dans le matin d’un hiver rude, le souffle, une
écharpe, les mains dans les poches, regarde, tu vois les signaux lumineux
là-bas, ce rouge flou du froid qui l’entoure, la caillasse anguleuse des voies
et la promesse du voyage, la perspective, le départ comme la promesse d’un
meilleur. Je n’ai pas tout dit dans la suspension.
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