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Des corps flottants. La place du vide
nécessaire, les interstices offrant l’émotion quotidienne. L’incontrôle, plus
loin et plus fort que ce que l’on peut tenir, la surprise de la latence qui
nous éloigne des repères, une vague sur la falaise, écumante. Au bord sans
craindre la chute, le corps, une obstruction au vent de la nature, les embruns,
une odeur particulière à l’éloignement, le cri des oiseaux. Fixe dans l’envol.
Les gestes restreints de l’ampleur dans la camisole, l’enfermement nécessaire à
l’évolution dans les codes, ne pas être en dehors, au grand jour, la cachette
de nos secrets comportementaux, le fond de nous. Une feuille sèche soulevée par
le vent, emmenée loin de l’endroit de sa chute, une seconde naissance après une
première mort. Des gants de laine enrobant des mains d’enfants, attendre, ils
nous demandent d’attendre, alors j’attends, docile. L’amour me manque,
l’érosion de l’enthousiasme, se donner à corps perdu, une impulsion. Je ne sais
pas comment je vis, et pourtant il faut continuer malgré la tiédeur des
rapports, s’ébattre. L’enthousiasme de croire en ce que nous sommes,
l’enthousiasme de m’asseoir pour tenter de vous dire, nettoyé de la souffrance
et de ma médiocrité, l’enthousiasme de la générosité dans un raffermissement
des rapports, une décrispation effrayante, une liberté de dire quelle que soit
la situation, dire et s’en aller sans culpabilité d’avoir dit, la justesse du
présent, qu’importe le passé il a fallu en arriver là. Avant j’ai dû dire
l’homme que j’étais pour y croire moi-même, inventer une forme impressionnante,
des convictions à défendre, l’intégrité par la force de conviction.
Aujourd’hui, je ne suis rien que ce que je suis avec l’expérience d’une vie qui
en est là, à ce moment demain n’existe pas encore mais est déjà emprunt d’hier
et cela ne me donne aucun droit, des devoirs. Il me reste des détestations, les
femmes qui passent leur main dans les cheveux sans arrêt. En fait il n’y a pas de
vérités excepté celles que nous sommes prêts à défendre. Qu’importe ce que je
vois si tu as décidé de ne pas le voir, l’acceptation de la différence hors des
lieux communs, ressentir à tous prix même si je ne comprends pas la vibration,
la ressentir en silence face à l’objet du tremblement, la singularité
respectée. Peut-on abstraire le sens pour se concentrer sur le ressenti, ne pas
chercher un message, se laisser déconcerter par l’émoi, hors du besoin de
comprendre celui de ressentir, absolument. Se lever et partir ou se contenir et
rester, je ne sais toujours pas.
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