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Les pieds nus, un matin où je m’émerveille de
la beauté du corps, tout ce qui tend, les liaisons, il s’articule, les
charnières. La peau, peindre, la trace du pinceau humidifié sur une toile
encore sèche et vierge, le grain de jute blanchi. Je ne fume pas et pourtant je
vois dans l’image une cigarette se consumer, poser sur le bord et attendant la
chair des lèvres pour s’embraser. Une femme, au milieu des images usagées d’un
album photographique, un iris à la lumière des beautés inattendues, le hasard
du cadre dans le vœu de voir. Je rêve de papier, l’effleurement des sens, le
torchis mouillé de la sueur du peintre à se battre contre lui-même, ce moment
de brisure, le doute de ce que nous représentons qui ne ressemble plus au
projet initial, un barrage, une limite qui ouvre d’autres perspectives. Les
mains pleines de peinture, une journée de couleurs, l’intensité du blanc sur le
noir, les contrastes comme autant de visages différents. Emouvoir et se laisser
émouvoir parce que nous sommes là, même si cela relève du hasard, le jugement,
le début de toutes les acceptations nécessaires à s’insérer. Il y a des gestes,
des mains qui tiennent des couteaux, des sourires comme des lames. La brisure,
la richesse de chacun, ce moment de vérité, ce tremblement, l’approchement de
nous au plus près, le porte à faux. Pieds nus sur le plancher de bois,
j’attends, le temps nécessaire au déséquilibre qui fera naître le mouvement,
assis d’un côté de la fenêtre dans la déformation de la vitre, apparaître, se
mouvoir dans le silence des autres et entendre les charnières craquer, l’espace
qui nous entoure, être dans le vieillissement les pieds nus sur le plancher.
Les mots comme des notes, les uns derrière les autres, transparaître un
sentiment, l’impalpable présent, celui qui n’existe pas dans le récit, l’instant,
celui-là qu’il est déjà trop tard de raconter. Le silence nécessaire à l’envol,
afin d’entendre le battement des ailes, l’envergure, le déploiement. La
distance s’installe dans le silence des mots inutiles, il faut partir parfois
pour mieux revenir, l’érosion des sentiments dans le bruit quotidien de l’envie
de reconnaissance, toutes ces portes qui claquent, le courant de l’air.
Quelques meubles déjà trop nombreux jonchent le plancher, un empêchement, ils
crient dans ce volume trop petit, je voudrais des parois blanches, dans
l’aboutissement me séparer de tout ce qui représente, la légèreté d’un homme
qui partirait en courant dans les grisonnants du ciel. Pas une fuite, un départ
inopiné pour la survie, parce que trop d’interférences dans le besoin d’anonymes.
L’allègement de notre emprise sur le quotidien qui nous entoure, de l’image qui
nous précède et influe les relations inhérentes aux liens que la récurrence
crée, à l’insu d’une volonté, comme si de rien n’était, avec la charge de nos
journées variantes et variables. Comment ne pas imprimer de notre humeur ce
jour, comment ne pas le réduire, lui octroyer l’horizon qu’il mérite, comme si
nous n’étions pas là, absents de nos délabrements.
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