Je ne sais pas 30
30
Les bruits d’un couloir, les rainures d’un
plancher, l’attente d’une réponse, lui, couché derrière la porte attendant
l’ombre des pieds, le son des talons, la vie, les serrures, ce n’est pas
encore, bientôt, peut-être, ne pas partir, se dire que certainement ça va venir
mais en douter, douter de la parole, comme s’ils avaient dit et qu’ils
n’allaient pas tenir, les promesses, les promesses, dans l’enfance il a attendu
déjà, déjà il demandait que l’on tienne les promesses, la parole donnée,
démissionnaires, absents, l’appel des registres, les quatre pieds d’une chaise,
une chaise dans la promesse de son utilité, s’il lui manque un pied elle ne
tient plus sa promesse, on la jette, ce qui est dit est dit, comment peut-il en
être autrement, alors il n’y a plus rien, si ce que l’on dit n’est pas dit, il
n’y a plus rien, du vent, un courant d’air sous la porte, on ne peut plus rien
attendre, il ne faut rien attendre, mais parfois il est impossible de faire
mieux que d’attendre, les réponses, une correspondance, il attend une
correspondance, la porte, non. Dans la poussière du jour éclairée par la
lumière du soleil, on ne s’imagine pas qu’il y ait autant de choses qui volent,
il faut s’arrêter pour les voir, sans ça on passe à côté. Etendu sur le sol son
corps, il ne se relèvera plus, il est mort d’avoir attendu une réponse à sa
correspondance, des gens le pleurent, c’est triste ils disent, il attendait et
personne n’est venu, même pas un courrier, il est mort étendu dans la poussière
que soulève le jour, recroquevillé comme cherchant la chaleur, il est beau dans
la lumière du soleil, le corps nu couvert d’un sous-vêtement blanc, les jambes
ramenées à la poitrine, sur les lames, le temps, longtemps, il a résisté combien de temps à attendre,
enfermé dans le bruit des portes et des serrures, seul dans la beauté,
l’immobilisme de l’urgence, submergé par le doute de faire partie, dans la
désintégration, l’inconnu dans le coin de la pièce, le silence règne,
dérangeant plus que la mort, le silence qui permet de prendre conscience du
bruit, l’omniprésence, une suspension, de l’ordre de l’impalpable, l’air, ce
qui entoure et se meut dans le déplacement, le frottement des fibres des
vêtements, la respiration, et malgré tout l’extérieur, les grues, les voitures,
les marteau-piqueurs, les cris, la colère dans l’attente d’un signe, sortir,
une délivrance, appartenir, appartenir. Dans le relâchement de son visage, sa
libération, le sourire de ne plus attendre, il est plus qu’il n’a jamais été,
dans la considération de son histoire, dans la confiance qu’il a porté aux autres,
l’espoir que quelqu’un pousse la porte, la confiance, il est la correspondance,
la réponse à la lettre dans l’insouciance du jugement, celui qui a cru, combien
de temps, quelle souffrance dans la générosité de l’absence, un homme enfant
dans la dépendance à l’acquiescement, attendant la permission d’exister, un
être oublié derrière une porte ouverte qu’il suffisait de pousser, dans la
sécheresse poussiéreuse il reste sa trace sur le plancher, un fœtus adulte, un
homme pas né aux yeux des autres, seul, un cri muet, la croyance ultime en la
promesse de ce que nous sommes les uns pour les autres. Il aura fallu qu’il
meure, ou, qu’il ne vive plus pour enfin exister. Dans ces solitudes ordinaires
certains continuent à marcher pendant que d’autres se couchent sur des
planchers.
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