14
Des chaises suspendues à des filins dans un ciel
gris, il n’y a pas de places, des chaises, sur l’air comme des voiles, du
papier translucide adoucissant la grisaille des jours, l’étonnement d’un objet
détourné de sa fonction, le quotidien devenu extraordinaire, multicolore, des
taches de couleurs dans la morosité, le sourire des passants, une robe de
mariée avec du tulle, une danseuse, les pointes à la rambarde de l’escalier de
la gare, la beauté d’une peau fardée pour la représentation, l’extraordinaire
de l’imagination nécessaire au voyage quand il ne reste rien, des enfants
jouent à la guerre sous les bombes, des cerfs-volants côtoient les larmes des soldats,
dans l’insouciance quotidienne de certains d’autres se déchirent, c’est comme
ça, dans la fatalité nécessaire pour que ça continue, dans l’explosion
journalière de la colère de ces hommes qui crient la rancœur et de ces femmes
qui pleurent la douleur des enfants. La clarté d’un nouveau jour, une éclosion
dans toute cette difficulté, les fleurs au milieu des décombres, il reste
toujours quelque chose, une trace dans la déflagration, un tremblement, la
terre foulée par les pieds nus des enfants, des lambeaux, des debouts qui
ramassent les couchés, cette volonté incroyable de vouloir malgré tout
reconstruire, effacer le délabrement, de la chaux vive sur les mémoires des
caves humides et odorantes. Le temps saccade, des convulsions, une
réminiscence, la somme de l’inconnue qui compose la poésie de chacun, le corps
en branle, des pas à la suite d’autres pas, le tempo dans le rythme des vies
croisées, la fumée de cigarette par la bouche ou par le nez. Le tracé des
lettres sur des lignes de papier, des oiseaux comme des cocottes, voir plus
loin que le premier plan, lire plus loin que l’imprimé, une radiographie
au-delà de la chair, les os, la fracture, la calcification, la charpente de
l’image que l’on représente aux yeux des autres, la structure portante. Dans la
suspension des chaises vides, les balançoires aux arbres des oiseaux sur la
colline des enfants, près du ciel, juste là, à portée de voix, dans la
discrétion de l’oreille, un chuchotement. Le secret peut-être, j’attends le
temps nécessaire, un décompte, peut-être jamais, mais je ne veux pas ne pas
entendre alors je me tais. Un rouge-gorge.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire